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La fabrique d'images présidentielles

Toute la semaine aura été chargée en images symboliques, censées alimenter la légende présidentielle. Denain, Oradour et Saint-Pétersbourg. De belles photos et un raté.
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (©)

De
ces clichés dont la fonction est de marquer l'opinion et de laisser des traces
dans l'histoire. Le point d'orgue restera Saint-Pétersbourg, avec un François
Hollande parmi les grands de ce monde, mais décrit comme isolé dans sa volonté
d'aller frapper Bachar. Il ne devait pas rater hier, face aux objectifs, sa
poignée de main avec Poutine. Et le rendez-vous ce vendredi  avec Obama s'annonce crucial pour casser
justement cette impression d'isolement sur la scène internationale. Le chef de
l'Etat veut donner une image qui se veut à la fois ferme et rassurante, au
moment où les critiques de va-t-en-guerre pleuvent comme des missiles de
croisière. Le chef de l'Etat sait qu'il ne doit pas rater ce rendez-vous
iconographique, lui qui entend peaufiner sa stature internationale.

Et la veille, il y a eu la
séquence mémorielle.

Les images ont concurrencé le
débat syrien dans les 20h : François Hollande nous a servi la réplique
lointaine du Mitterrand-Kohl à Douaumont. L'histoire est priée de retenir
désormais Hollande-Gauck eux aussi main dans la main à Oradour sur-Glane.  Mais les choses ne se passent jamais comme
prévu. Ces rendez-vous savamment préparés ont été parasités par LA boulette, ce
cliché pris mardi dans une école de Denain, qui montre un président peu à son
avantage, grimaçant devant un tableau de classe où était inscrit
ironiquement : "aujourd'hui, c'est la rentrée"... Vous êtes
nombreux à l'avoir vu, et à vous être échangé le fichier. Il a fait le tour de
la toile toute la semaine. Il s'agit de la photo que l'AFP a mise à disposition
des rédactions, avant de la retirer, la jugeant désobligeante.

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L'Elysée est intervenu ?

Non, de façon catégorique. Ce
que raconte sur son blog Philippe Massenet, le patron de la rédaction de
l'Agence France Presse, est exact : les services de la présidence n'ont
pas téléphoné, ils savent bien que le retour de manivelle serait sévère en cas
de censure, explique un communicant politique. C'est l'AFP elle-même qui a
effectivement voulu supprimer le cliché, et s'est donc autorégulée. Ce retrait a
eu l'effet inverse, celui de susciter l'intérêt et la suspicion autour d'une
photo qui aurait dû passer inaperçue.

Autorégulée ou autocensurée ?

C'est toute la
question : où est la limite ? Est-ce que tout est permis ? Ou
bien les journalistes protègent-ils une supposée appartenance à un système,
dont le pouvoir politique détiendrait les clefs ? Vous savez, cette
connivence dont nous sommes si souvent accusés... à tort. Ce qui ne doit pas
nous empêcher de nous interroger : dans quelle mesure les medias, en
diffusant des reportages comme Oradour-sur-Glane - même si la charge historique
est très forte- ne participent-ils pas, de fait, à l'écriture du roman des
politiques, à leur conquête de l'opinion ? Il faut rappeler que les images
en question sont prépondérantes, diffusées en boucle sur les chaines d'information
continue, dans les 20h, dans la presse, ou en libre service sur nos Smartphones.

L'AFP a eu la bonne
réaction ?

L'agence, qui a une
réputation à défendre, en tous les cas a eu raison de s'interroger sur la
pertinence d'un cliché au fond assez moqueur, qui portait atteinte au physique.
C'est une question de responsabilité : ce n'est pas être connivent de ne
pas céder à la tentation du buzz pour le buzz. Et cette
histoire de photo ratée a une vertu :
celle de nous faire prendre un peu de temps pour réfléchir à la portée des mots
et des images que nous utilisons et que nous diffusons.

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