L'exception culturelle, première bataille d'une longue série
C'est un bon point que s'est décerné Jean-Marc Ayrault hier devant l'Assemblée nationale. Le premier ministre s'est félicité d'avoir réussi à faire exclure l'exception culturelle des futures négociations entre l'Europe et les Etats-Unis. N'en déplaise au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui qualifiait cette défense de "réactionnaire" : "Ca n'a rien de réactionnaire, au contraire, c'est le progrès, c'est l'ouverture aux cultures du monde, c'est la défense de la diversité culturelle, ça s'impose à tous, à la Commission comme à son président. La France n'était pas isolée. Elle s'est battue avec conviction et elle a emporté l'adhésion des autres Etats-membres ".
Ce matin dans une tribune qu'il signe dans le journal Libération, le président de l'UMP, Jean-François Copé, se dit à la fois réjouit et inquiet. Parce que la Commission affirme qu'elle pourrait quand même remettre le sujet sur la table. Pour la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, la Commission européenne va trop loin : "La Commission a été plus loin que ce que lui permet les traités. Il y a eu une volonté très forte du Commissaire et au commerce et du président de la Commission d'apporter un accord aux Américains. Mais la France avait le temps. Dans une négociation, il ne faut jamais être pressé ".
Et les négociateurs français assurent qu'on ne pourra pas revenir là-dessus, malgré le voeu du commissaire au commerce, car la France y mettrait son veto.
OGM, santé, services publics etc.
La France a eu son caramel, raillait un éditorialiste anglais. Et du coup question : n'a-t-on pas brûlé nos cartouches d'entrée de jeu ? D'abord parce que cette polémique ouvre une brèche dans le camp européen face aux redoutables négociateurs que sont les Américains. Le député UDI Yves Jégo le regrette : "Je regrette cette polémique dans laquelle s'est engouffré François Hollande sur l'exception culturelle. Il y a dans les négociations un enjeu majeur pour notre avenir. Si on veut que l'Europe soit forte pour négocier, il faut qu'elle apparaisse unie ".
Unis, encore faudrait-il l'être, tant les positions européennes divergent sur des sujets essentiels qui, eux, seront à l'ordre du jour comme l'alimentation, notamment les OGM, l'énergie, la santé, les normes environnementales, sociales etc. Certains craignent même que des firmes puissent contester les législations d'Etats-membres et que l'Europe y perde une partie de sa souveraineté. Du coup les appels à une dose de protectionnisme traversent l'échiquier politique. Le député UMP Laurent Wauquiez : "Est-ce que le Brésil ouvre son marché intérieur ? Non. Est-ce que les Etats-Unis ouvrent facilement leur marché intérieur ? Non. Est-ce que la Chine laisse l'accès à son marché des photovoltaïques ? Non. Je suis très méfiant sur cette espèce de veau d'or qu'est le libre-échange, dont à chaque fois on nous explique que c'est la modernité et que ça crée des emplois. Je ne suis pas convaincu et je pense même que parfois, une petite dose de protectionnisme, ce n'est pas une mauvaise idée ".
Les souverainistes, comme Nicolas Dupont-Aignan, appellent de leurs voeux bien plus qu'une dose de protectionnisme : "Pourquoi le protectionnisme qui est bon pour le cinéma n'est jamais bon pour les ouvriers et les agriculteurs ? En réalité, le petit milieu parisien se protège. C'est très bien. Moi j'approuve la diversité culturelle, le bon film français. Mais c'est curieux quand même. Alors moi je demande que l'on fasse un protectionnisme intelligent, pour la culture mais aussi pour les autres ".
Et les Français ne sont pas les seuls à souhaiter sanctuariser des secteurs. Les Etats-Unis n'ont pas très envie d'ouvrir les services financiers, les assurances ou le transport maritime. Les Britanniques ne veulent pas mettre la défense au pot commun. Bref, pour l'instant, les négociateurs sont partis pour discuter au moins autant des exceptions que de la règle.
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