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François Hollande face au casse-tête institutionnel corse

François Hollande préside ce vendredi les cérémonies du 70ème anniversaire de la libération de la Corse. Avec en toile de fond un débat institutionnel difficile à éviter.
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
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"La Corse a la fortune
et l'honneur d'être le premier morceau de France libérée
". Ce n'est pas
un extrait du discours que va prononcer François Hollande tout à l'heure à
Ajaccio. Mais tout simplement ce qu'a déclaré le Général de Gaulle en arrivant
à Ajaccio le 5 octobre 1943, huit mois avant le D-Day sur les plages de
Normandie. Il faut savoir que douze mille Corses, 6% de la population de
l'époque, se sont enrôlés dans l'armée française pour combattre les Nazis. Ce
qui n'a pas empêché trente ans plus tard la montée d'un mouvement nationaliste
fort, fondé sur la lutte armée, pour réclamer l'indépendance de l'Île.

Le climat a changé aujourd'hui en Corse ?

Les luttes fratricides entre
nationalistes, qui ont fait tant de victimes, et les nuits bleues dévastatrices
ont cédé la place au grand banditisme, et à une violence qui n'a plus rien de
politique. La comptabilité est macabre. Avec 17 morts depuis le début de
l'année, nous sommes toujours dans la moyenne insulaire : il y en a eu 100
durant le précédent quinquennat. Le candidat Hollande, lors de son passage en
Corse durant la campagne présidentielle, avait pilonné le bilan sécuritaire de
Nicolas Sarkozy dans l'île et s'était fait fort d'éradiquer cette violence. Une
fois élu, il n'a pas fait mieux. Le dispositif mis en place par Manuel Valls et
Christiane Taubira, comme ils l'ont fait à Marseille, a tout juste permis de
mener des coups de filets contre le trafic d'armes et de stupéfiants. Mais le
taux d'élucidation des assassinats commis ces dernières années est toujours au
niveau zéro.

François Hollande sera interpellé sur le débat institutionnel ?

C'est le cadeau empoisonné
qui l'attend sur place : l'Assemblée territoriale a voté il y a toute
juste une semaine, par 46 voix sur 51, un projet de réforme qui vise à inscrire
la Corse dans la Constitution, afin de l'inclure dans l'article 72 sur les
collectivités territoriales de la République. Cela passerait par une réforme
Constitutionnelle. Le but serait de tenir compte des spécificités de l'île, en
matière de fiscalité -l'Assemblée aimerait collecter une partie de l'impôt- ou en
matière de foncier, la Corse est très en retard sur la question. La nouveauté
est que les idées portées par Jean-Guy Talamoni, le leader indépendantiste de
Corsica Libera, ont fait leur chemin. Le texte a été adopté aussi ben par le
PRG que par l'UMP. Mieux encore, l'assemblée a voté en faveur de la
coofficialité de la langue Corse. Et le président de la collectivité, le
radical de gauche Paul Giacobbi, défend le projet d'une accession à la
propriété sous condition de cinq années de résidence, afin de limiter la spéculation
immobilière. Attention, projet délicat pour le président, qui n'a pas envie
d'ouvrir un processus de Matignon 2.

François Hollande va devoir y répondre
aujourd'hui ?

Peut-être en dira-t-il un mot
à huis-clos devant les élus ce matin. Mais il lui sera difficile d'ignorer, dans
les mois qui viennent, cette attente forte exprimée par la quasi-totalité des
élus de l'île. Les Corses, il y a dix ans déjà, avaient dit non au référendum
de Nicolas Sarkozy, qui visait à supprimer les deux départements insulaires.
François Hollande doit désormais faire face à un double défi : celui d'une
violence maffieuse qui va crescendo. Et celui d'une réforme institutionnelle
devenue acceptable, parce que débarrassée de ses bombes et désirée par tous.

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