Thomson computing : "J'avais envie de donner une voix française dans le monde de l'informatique", explique le directeur général de Metavisio

Dans un secteur dominé par des géants américains et asiatiques, Thomson avait arrêté la fabrication d'ordinateurs depuis les années 1980. Repris en 2013 par Stephan Français, celui-ci explique comment il a relancé la filière des ordinateurs en France.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Raymond
Radio France
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Temps de lecture : 8 min
Stéphan Français (franceinfo)

Dans un marché de plus de 200 milliards de dollars par an, celui des ordinateurs, Stéphan Français grappille des parts de marché aux géants asiatiques et américains, en ressuscitant depuis 2013 une marque française, Thomson. Pourtant, Thomson, qui avait arrêté la fabrication d'ordinateurs depuis les années 1980, ne valait plus "qu'un franc" seulement, selon les termes du Premier ministre en 1996, Alain Juppé.

franceinfo : Stéphan Français, vous êtes le directeur général de Metavisio, maison-mère de la marque Thomson Computing. Vous avez relancé les ordinateurs de cette marque française en 2013, il y a dix ans maintenant. Pourquoi avoir relancé cette marque ? Qu'est-ce qui vous a pris ?

Stéphan Français : Je ne voulais absolument pas laisser le domaine de l'informatique sans une présence européenne et aujourd'hui, nous sommes présents dans 52 pays. Effectivement, le monde de l'informatique est un monde taïwanais, chinois ou américain. Et en ce moment, la géopolitique de notre monde, malheureusement, montre bien qu'il y a une dualité entre les Chinois et les Américains. J'avais envie de donner une voix française, déjà il y a dix ans. Une voix en fait qui nous permette de penser qu'aujourd'hui, en termes de technologie, les Français peuvent prendre une place dans le monde, en Europe, en France, mais aussi en Inde par exemple. Et on vient d'ouvrir le marché indien, un immense marché.

Les acteurs américains et asiatiques sont des mastodontes. Comment vous différenciez-vous ? Quelle est votre valeur ajoutée à vous ?

J'adore le mot "mastodonte" pour mes concurrents, c'est effectivement ça. Ces gens-là pèsent plus de 10 milliards de dollars de chiffre d'affaires, au minimum. Et effectivement, leur stratégie, qui n'est absolument pas la stratégie de Thomson, est de prendre des parts de marché énormes dans chacun des pays, de dépenser énormément dans des campagnes de marketing qu'il faut amortir pendant des années. Nous, notre stratégie est plutôt d'avoir le meilleur rapport qualité-prix, la meilleure technologie, la mettre à disposition du grand public et toujours avoir une longueur d'avance. C'est ce qu'on essaye de faire en France, en Europe et dans le monde.

Vous êtes coté à la Bourse de Paris. Faut-il beaucoup d'argent et d'investissements pour concurrencer ces marques ?

En France, vous connaissez la formule "quand on n'a pas d'argent, on a des idées".

"Évidemment, il faut de l'argent. Mais nous, on travaille plutôt avec des petites marges, un net à 10%, là où nos concurrents sont obligés d'aller chercher beaucoup plus."

Stéphan Français

franceinfo

C'est sûr que ça vous donne des produits qui sont finalement assez chers et qui ne sont pas forcément plus technologiques que les nôtres.

Vous nous expliquez donc que ce n'est pas la technologie qui coûte cher, mais le marketing ? Ce sont toutes ces campagnes de publicité que vous ne faites pas finalement ?

Tout à fait. Nous, on a une stratégie de communication vis-à-vis de nos clients. On le fait avec des "retailers", c'est-à-dire des distributeurs grand public, comme Leclerc par exemple, qui a une stratégie avec une petite marge, qui permet aux consommateurs d'avoir le meilleur produit au meilleur prix. On le fait également avec C-Discount, Boulanger ou Électro Dépôt qui proposent des tarifs sur une marque française qui sont forcément très intéressants.

Donc ce ne sont pas les consommateurs mais les distributeurs que vous avez dû convaincre.

Exactement. On a mis dix ans à pénétrer le marché français, et si cette année on est présent dans 52 pays, ce n’est pas par hasard. On a su montrer qu'en France, on pouvait prendre des parts de marché extrêmement intéressantes. On a d'abord commencé par des premiers prix. Ensuite, on est passé sur l’intermédiaire et on vient de sortir des produits "gamer". Là, c'est du high-level avec des processeurs I9. Et si vous comparez nos prix avec nos concurrents, il y a très peu de chances que vous ne trouviez pas les meilleurs tarifs avec la meilleure technologie chez Thomson.

Votre premier client en 2013, c'était Leclerc. Vous vous êtes spécialisé d'abord dans l'entrée de gamme, fabriqué en Chine. Aujourd'hui, vos produits sont-ils toujours fabriqués en Chine ?

Depuis le départ, la conception des produits est faite en France. Après, pour avoir le meilleur rapport qualité-prix… Mais on n'assemble pas nos ordinateurs qu'en Chine. On a une chaîne d'assemblage en France, à Pontault-Combault (Seine-et-Marne), avec le soutien du maire, qui est extraordinaire. Et également en Inde, puisqu'on pénètre le marché indien depuis quelques semaines, avec un référencement historique. On est la première société européenne en informatique référencée pour les marchés publics indiens. Et on n'en est pas peu fiers.

Aujourd'hui, vous avez 8% de parts de marché en France. Quels sont les leviers de croissance à venir et qu'espérez-vous gagner comme parts de marché à vos concurrents ?

On souhaite devenir mondial. Maintenant qu'on est présent dans toutes les enseignes de France, il y a des marchés qui sont intéressants à conquérir.

"Vendre des PC aux Américains, par exemple, c'est un challenge qu'on s'était lancé et on le fait."

Stéphan Français

à franceinfo

On vend aussi au Canada, et vous savez, on va même vendre des PC aux Chinois. Parce qu'on a le meilleur rapport qualité-prix et un design qui est fabuleux.

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