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Pour l’économiste Sébastien Jean, "les guerres commerciales n’ont pas vraiment de gagnant"

Le directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales, Sébastien Jean, invité de l'interview éco de franceinfo est revenu sur la volonté de Donald Trump de relever les tarifs douaniers des importations d'acier.

Article rédigé par franceinfo
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L'économiste Sébastien Jean, sur franceinfo le 12 mars 2018. (RADIO FRANCE)

Donald Trump persiste à instaurer des barrières douanières pour protéger l'acier américain et l'industrie américaine. Sébastien Jean, économiste, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), juge pourtant lundi 12 mars sur franceinfo que cette mesure serait inefficace et estime plus globalement que la politique économique de Donald Trump est "très peu cohérente".

franceinfo : Donald Trump veut défendre l'acier américain et pour ça il est prêt à taxer l'acier importé qui entre aux États-Unis. Cela peut-il marcher ?

Sébastien Jean : Au fond, je pense que son objectif est essentiellement politique parce que d'un point de vue économique il y a assez peu de rationalité dans ce qu'il fait. D'abord, par la nature des mesures qu'il a prises, il est en train de faire de la politique commerciale un sujet politique. C'est un sujet politique mais là c'est vraiment le bras de fer international qui est engagé. Il y a des règles mais on ne les respecte plus, c'est un peu ça le signal qu'il envoie et "je vais faire pression sur vous pour obtenir mieux que ce que vous me donnez". Mais ce qu'il va expérimenter c'est que ses partenaires ne vont pas rester sans rien faire et vont répondre à ses mesures par des contre-mesures et à la fin personne ne va y gagner.

Dans l'immédiat, cette politique peut-elle recréer des emplois dans les aciéries américaines ?

Regardons ce qu'il s'est passé il y a 15 ans, en mars 2002, le président Bush a dit "je protège la sidérurgie" avec des droits tout à fait similaires. Un an et demi après, il a dû les enlever, sous la menace de contre-mesures. Et quand on regarde ce qui s'est passé, on n'est même pas sûrs qu'il ait réussi à créer de l'emploi dans la sidérurgie. Mais ce qui s'est passé en revanche, c'est que les industries aval, utilisatrices d'acier (l'automobile notamment), ont détruit des dizaines de milliers d'emplois, simplement parce qu'elles perdaient en compétitivité étant donné le coût plus élevé de l'acier qu'elles ont subi. Les importations étaient plus chères du coup les producteurs d'acier ont monté leurs prix, donc ceux qui en ont vraiment bénéficié étaient les actionnaires des entreprises de l'acier avec une hausse de 15 à 20% environ de leurs actions dans le secteur.

Les États-Unis sont le 4e producteur mondial d'acier après la Chine, l'Inde et le Japon. Ont-ils besoin d'importer de l'acier aujourd'hui ?

Oui, ils sont fortement dépendants des importations, c'est-à-dire que leur production couvre à peine plus de la moitié de leur consommation. Ce qui est très différent de la situation européenne où on a une production qui est du même ordre que notre consommation. Donc les Etats-Unis partent d'une situation assez dégradée dans le secteur de l'acier. C'est d'ailleurs un élément paradoxal dans cette histoire. On sait qu'il y a un problème de surproduction au niveau mondial dans l'acier, que c'est essentiellement dû aux politiques chinoises. En décembre, les États-Unis ont signé avec l'Europe et le Japon une déclaration tripartite pour coopérer dans ce sens et là, en mars, ils annoncent des mesures dont les principales conséquences vont être ressenties par le Canada, l'Europe, le Japon et la Corée, donc les alliés des États-Unis, Ça gêne même pour résoudre le problème de fond. Ce n'est absolument pas cohérent. De toute façon dans la politique économique de Donald Trump il y a très peu de cohérence. C'est un geste politique par rapport à un électorat, dans des États qui sont des swings-states et où on sait qu'il y a des élections de mi-mandat en novembre prochain.

Dans un tweet récent, Donald Trump disait que dans certaines conditions les guerres commerciales étaient bonnes et facile à gagner. Peut-il gagner ce bras de fer là ?

La plupart du temps il n'y a pas vraiment de gagnant à des guerres commerciales parce qu'elles créent beaucoup plus de coûts qu'elles ne dégagent de bénéfices pour certains. Ce que l'on peut voir là, c'est que ceux qui vont gagner seront probablement les actionnaires de l'industrie sidérurgiques. Ce n'est même pas sûr du tout que les travailleurs gagnent quoi que ce soit. Mais ce qui est sûr, c'est que d'autres travailleurs, dans d'autres secteurs risquent d'y perdre. C'est un message populiste à l'emporte-pièce comme sait le faire Donald Trump. Il n'y a aucune raison de penser qu'il soit en très bonne position pour gagner une guerre commerciale.

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