Pour le géographe Pierre Zembri, "si on veut relancer le réseau SNCF, il faut y investir"
Pierre Zembri, géographe, professeur à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, invité de l'interview éco de franceinfo, est revenu sur les ordonnances du gouvernement qui vont bientôt réformer la SNCF.
Pierre Zembri, géographe, professeur à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, invité de l'interview éco de franceinfo, est revenu sur la loi sur les ordonnances permettant de réformer la SNCF qui a été présentée mercredi 14 mars en Conseil des ministres. Le texte sera débattu en avril à l'Assemblée nationale et en mai au Sénat. Il s'agit notamment de réformer le statut des cheminots et permettre l'ouverture à la concurrence.
franceinfo : L'ouverture à la concurrence, dans les TER est prévue dès 2019. Est-ce que c'est possible ?
Pierre Zembri : Il va falloir changer les textes. C'est une directive européenne. Ce sont des choses qui ont déjà été décidées. C'est un ensemble de directives qui prévoit au plus tard fin 2023 que les services financés par la puissance publique soient ouverts à la concurrence. Il y a des chances que les trains soient les mêmes, puisqu'ils ont été déjà financés par les régions. En revanche, l'exploitant pourra changer, je ne sais pas comment il sera affiché, mais ça risque d'être assez discret. Vous avez déjà un exemple sous les yeux si vous prenez le bus tous les jours en province en France. Il y a des exploitants sous contrat avec l'autorité organisatrice et qui changent de temps en temps, mais on ne s'en aperçoit peut-être pas.
Cette concurrence va-t-elle se mettre en place de la même façon pour les TER dans les régions qui voudront quitter la SNCF ?
Normalement, elles pourront - à titre expérimental - commencer dès que les textes de loi le leur permettront. Il y a un certain temps de mise en place. Cela ne se fait pas à la minute. Il faut au moins deux ans pour que le processus d'appel d'offres se mette en place. C'est un processus qui sera relativement long. Les lignes Intercités ont également vocation à être mises en appel d'offres, puisqu'elles font l'objet d'un contrat de service public entre l'État et la SNCF, normalement, elles devraient suivre le même chemin. Les TGV ne sont pas soumis à appel d'offres, là la concurrence peut s'exercer en "open access", car n'importe quel exploitant, à partir de 2019, pourra se positionner sur des lignes à condition de ne pas concurrencer les services subventionnés.
D'autres pays européens ont déjà testé la concurrence, pour le trafic des voyageurs. Qu'ont-ils obtenu comme résultats ?
Si on prend deux exemples qui sont emblématiques, parce qu'ils ont démarré assez tôt, au début des années 90 pour la Suède, dans le milieu des années 90 pour l'Allemagne, ce sont des pays où le trafic a fortement augmenté. On a quand même un effet important. Le trafic a augmenté parce qu'on a augmenté l'offre. L'idée, c'est que les trains tournent au maximum, le personnel aussi, qu'il n'attende pas entre deux trains, trop longtemps. Et à partir de là on baisse les coûts de production, donc c'est la stratégie des nouveaux entrants. En Allemagne, la Deutsche Bahn, qui est l'opérateur national, l'équivalent de la SNCF, n'a pas perdu d'activité tout en perdant 25% du marché. Le volume global a crû et elle a réussi à faire des gains de productivité qui lui permet de regagner des appels d'offres, qu'elle avait perdus auparavant. Pour ce qui est des clients, on reste dans une tarification qui est fixée par la région dans le cadre du TER, il n'y a pas d'évolution de prix qui serait liée dès lors qu'on a tel exploitant ou tel autre. Par ailleurs, il faut investir dans le réseau si on veut le relancer. On e peut pas juste dire qu'on met dix trains de plus, ça ne sert à rien.
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