Muriel Penicaud, ministre du Travail : "Nous allons bousculer profondément" l’apprentissage
La ministre du Travail, Muriel Penicaud, a déclaré vendredi sur franceinfo que l'apprentissage est "une voie de réussite mais la plupart ne le savent pas".
Le gouvernement a dévoilé vendredi 9 février, vingt mesures pour développer la voie de l'apprentissage. A l'issue de ces annonces, la ministre du travail Muriel Pénicaud a déclaré sur franceinfo qu'il fallait "bousculer profondément le système" pour faire de l'apprentissage une "voie d'excellence".
franceinfo : Vous voulez doper l'apprentissage. Vous venez de dévoiler votre réforme. À la fin de l'année dernière, 421 700 jeunes étaient apprentis, cela reste peu. Pouvez-vous nous donner une bonne raison dans cette réforme de devenir apprenti ?
Muriel Pénicaud : La première chose, c'est que c'est une chance formidable de vivre une passion, un métier qu'on choisit, et c'est une voie d'excellence. On peut aller du CAP au Master.
Mais cela tout le monde le dit depuis des années. Quel est le changement pour les apprentis ?
On est obligé de changer beaucoup de choses dans le système pour que tout ça devienne vrai. Aujourd'hui il y a seulement 421 000 jeunes qui ont la chance de vivre cette excellence. Un tiers d'entre eux crée leur entreprise après et 7 sur 10 trouvent un emploi. C'est très peu. C'est seulement 7% des jeunes. Dans tous les pays qui ont vécu le chômage de masse des jeunes, c'est plutôt 15%. Ce qui fait qu'aujourd'hui on vit un drame absolu, 1,3 millions de jeunes ne sont ni en formation, ni en apprentissage, ni en emploi. Ils n'arrivent pas à se projeter dans l'avenir. On a besoin de bousculer profondément le système, de le transformer, pour changer d'échelle et que ce soit vraiment une grande voie de passion et d'excellence pour un beaucoup plus grand nombre.
Je suis jeune. Je veux devenir apprenti. Qu'est-ce qui change pour moi demain ?
Le salaire va être augmenté. Pour un jeune en bac qui a 18 ans, son salaire sera de 715 euros net par mois, c'est 30 euros de plus qu'aujourd'hui. Nous avons annoncé aussi que les jeunes auraient un financement de 500 euros pour passer le permis. On va pouvoir négocier les conditions pour que ça représente au moins la moitié des permis. Beaucoup d'apprentis ne savent pas comment faire parce que peut-être qu'ils vont trouver leur entreprise qu'en février, qu'en mars. On leur dit aujourd'hui qu'il faut attendre la rentrée scolaire. Donc on pourra entrer toute l'année. Enfin, il y a énormément de jeunes qui ne connaissent rien aux métiers, et à l'apprentissage. Si ils n'ont pas quelqu'un dans leur famille qui leur a fait découvrir la passion de la charpente, ou de l'électro-mécanique ou du numérique, si ils n'ont pas quelqu'un qui leur ont trouvé une entreprise, comment font-ils ? On va donc transformer aussi les sujets d'orientation pour que chaque jeune, chaque famille, ait accès à toute l'information.
Souvent l'apprentissage fait peur. Qui a peur de l'apprentissage ? Est-ce les parents, les enseignants ? Où est le problème ?
On a un décalage dans le temps puisqu'en fait, les 421 000 qui y sont, eux, c'est vraiment une voie de réussite. Il y a un grand succès, aussi bien dans l'enseignement supérieur qu'au niveau CAP et BAC Pro avec un très bon taux d'insertion, au moins 7 sur 10 trois mois après, c'est un des meilleurs taux d'insertion. Pour ceux qui y vont c'est une voie de réussite, mais la plupart des familles et des jeunes ne le savent pas. Donc, pour ça il y a un travail à faire sur l'orientation. Il faut qu'elle soit choisie et non pas subie et qu'elle soit éclairée. Vous savez quand des jeunes, des familles vont dévouvrir par exemple, qu'un chaudronnier c'est celui qui dessine la courbure des ailes d'avion d'Airbus et qu'on commence à des salaires qui sont quand même élevés, je pense que ça va créer des vocations. Mais pour ça, il faut qu'ils rencontrent des entrepreneurs, des apprentis, c'est par la rencontre humaine qu'ils vont pouvoir se projeter. Et puis aussi demain, on pourra commencer par l'apprentissage, continuer en statut scolaire ou universitaire, revenir à l'apprentissage, tout ça c'est des manières pédagogiques différentes de faire. L'idée centrale de la réforme est que ça va tourner autour du jeune, autour de l'entreprise, au lieu qu'on leur demande de se mettre dans des cases inconfortables qui ne marchent pas bien.
Les entreprises vont beaucoup plus intervenir dans la formation, dans la définition des diplômes. Est-ce bien leur rôle ?
Est-ce que vous savez qu'aujourd'hui il faut cinq ans en moyenne pour innover un diplôme ? Aujourd'hui à la vitesse d'évolutions des métiers, c'est fou. Donc demain les diplômes vont être co-décidés, co-construits. Le financement des formations va complètement changer.
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