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L’incendie de Lubrizol révèle un "problème culturel", selon le chercheur Patrick Lagadec

Quatre jours après l'incendie de l'usine Lubrizol, le spécialiste des grandes crises déplore une "perte de crédibilité" des autorités. Selon lui, entreprises et État doivent apprendre à "affronter des surprises".

Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Le spécialiste Patrick Lagadec était l'invité de franceinfo lundi 30 septembre. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

À Rouen, quatre jours après l’incendie de l’usine Lubrizol, beaucoup de questions restent sans réponse. Les autorités se veulent rassurantes, mais beaucoup d’habitants redoutent une pollution majeure. Invité éco de franceinfo, Patrick Lagadec est spécialiste des crises "hors-cadres" (grandes crises) : de l’accident de Seveso, en Italie, en 1976, à la catastrophe de Tchernobyl, en 1986. Il déplore, depuis jeudi, une "perte de crédibilité" des autorités.

Deux erreurs initiales

Pour lui, "il y a deux problèmes au départ". D’abord, le déclenchement tardif de la sirène d’alerte, car les autorités ne voulaient pas "paniquer" la population. Ensuite, la volonté de "rassurer" : "On a mis le paquet sur l’idée qu’il n’y avait pas de 'toxicité aigüe', immédiate, mais si on ne met pas en parallèle la pollution chronique en expliquant qu’on va la suivre", c’est inutile, affirme Patrick Lagadec

Le directeur de recherche honoraire à l’École polytechnique insiste : "On a un problème culturel." Selon lui, "dès qu’on a un choc qui n’était pas prévu au programme, on a cette terreur de 'ça va paniquer' et 'il faut rassurer'. Or, dès le départ, les dirigeants doivent pointer qu’ils sont en pilotage de cette situation, qu’ils ont bien conscience de l’ensemble des questions qui se posent".

Des entreprises moins bien préparées

Les entreprises sont-elles mieux préparées qu’avant à un accident ou à une attaque ? "Cela se fait, mais moins" qu’avant, assure Patrick Lagadec : "Les exercices étaient très courants dans les années 1990 et 2000." Selon lui, aujourd’hui, les entreprises n’y consacrent pas toujours les moyens nécessaires.

Mais au-delà, il faudrait changer d’état d’esprit : "Le vrai sujet, ce n’est pas seulement de savoir se coordonner et de communiquer, c’est d’être capable d’affronter des surprises de façon créative." Imaginer, par exemple, qu’un incendie comme celui de Lubrizol va, dans ses conséquences, "déborder largement" la zone. Le seul moyen, pour le chercheur, d’avoir le "recul" nécessaire aux bonnes décisions.

Patrick Lagadec vient de publier Le temps de l'invention (Préventique).

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