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L'interview éco. Pour l'économiste Gilbert Cette, "le droit social doit aussi couvrir les travailleurs chez Uber"

L'économiste Gilbert Cette a dénoncé mercredi sur franceinfo l'inégalité sociale entre les travailleurs indépendants d'Uber et les salariés.

Article rédigé par franceinfo, Jean Leymarie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
L'économiste Gilbert Cette, sur franceinfo le 4 janvier 2017. (RADIOFRANCE/ CAPTURE D'ECRAN)

Ces dernières semaines des chauffeurs de VTC ont manifesté pour dénoncer leur précarité et la politique tarifaire d’Uber qu'ils jugent défavorable. Pour l’économiste et co-auteur du livre « Travailleur au XXIe siècle », Gilbert Cette invité de l’interview éco sur franceinfo mercredi 4 janvier, ces travailleurs n’ont pas les mêmes droits ni la même protection sociale que les salariés.

franceinfo : Comprenez-vous que les chauffeurs de VTC maintiennent la pression sur Uber ?

Absolument. Ce qui se passe chez Uber n’est qu’une toute petite partie de l’ubérisation de la société, très singulière. L’émergence d’un nombre massif d’emplois très peu couverts est une spécificité d’Uber ou quelques éléments montants de l’économie numérique, mais n’est pas caractéristique de cette économie. Ceux qui travaillent chez Uber n’ont aucune couverture chômage. De plus, si Uber décide de les « déconnecter » totalement, ils n’ont aucune possibilité de recours, alors qu’un salarié licencié peut contester ce licenciement devant des juridictions appropriées. Il y a une inégalité entre les travailleurs d’Uber et les salariés protégés par le code du travail.

Uber met en avant un argument très important qui est la création massive d’emplois, notamment en France…

Cela révèle qu’avant l’arrivée d’Uber, la profession de taxis bénéficiait de «protection» qui rationnait la demande par une offre limitée, avec un numerus clausus, et cela aboutissait à un moindre bien-être pour les consommateurs et à une limite dans la création d’emploi. La création d’emploi est importante mais ces emplois doivent être de bonne qualité.

Les chauffeurs de taxi doivent se dire que l’on a créé des emplois d’un côté mais que de l’autre on a mis à terre toute une profession…

On a déstabilisé une profession qui n’a pas voulu se transformer, et qui a été complètement percutée par l’émergence de l’économie numérique. Cette profession n'a pas compris que cette économie allait la déstabiliser. Il aurait fallu bien en amont que l’exercice de la profession de taxi connaisse des mutations appropriées.

Ces nouveaux travailleurs non-salariés sont-ils réellement indépendants ?

Ils ont le statut d’indépendants mais ne le sont pas. Pour la majorité d’entre eux, ils sont dans une situation de dépendance économique totale vis-à-vis d’Uber. Ils travaillent 40 à 45 heures par semaine. Un droit du travail a été élaboré pour prendre en compte l’asymétrie entre un travailleur et un employeur qui ne sont pas sur un pied d’égalité pour négocier leurs conditions de travail. Pour protéger le travailleur on a élaboré un droit social et un droit du travail, et les travailleurs d’Uber n’en bénéficient pas.

Certains économistes pronostiquent la fin du salariat. Est-ce que cela est possible ?

Dans notre ouvrage avec Jacques Barthélémy, nous montrons cela est complètement démenti par les chiffres. Parmi les 34  pays de l’OCDE, la part de l’emploi salarié augmente. Sauf dans trois pays : la France, le Royaume Uni et les Pays-Bas. Il y a une part de fantasme et d’anxiété face à l’émergence de l’économie numérique. En France la part de non-salariés est d’environ 12%, mais elle n’est qu’en légère augmentation, comparée au Pays-Bas où elle augmente vraiment.


L’économiste Gilbert Cette : "Le droit social... par franceinfo

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