L'interview éco. Crise économique : "On a adopté l'union monétaire sans lire le mode d'emploi" et maintenant "on le paie cash"
François Lenglet, journaliste et lauréat du Prix du livre d'économie, s'est montré, jeudi sur franceinfo, particulièrement critique à l'égard de l'adhésion de la France à la zone euro.
Le lauréat du Prix du livre d'économie pour Tant pis ! Nos enfants paieront, François Lenglet, a expliqué, jeudi 15 décembre sur franceinfo, que la crise économique, traversée par la France, est due, en partie, à son intégration dans la création de la zone euro. Le journaliste de France 2 a déclaré qu'"on a adopté l'union monétaire sans lire le mode d'emploi".
franceinfo : Comment expliquez-vous la crise économique que traverse la France actuellement ?
François Lenglet : On paie les choix qui ont été faits dans les dernières décennies. Pendant tout le XXe siècle, on a réglé nos problèmes de compétitivité avec des dévaluations régulières. Puis, on s'est interdit de le faire avec l'union monétaire et on n'en a pas tiré les conséquences. On a adopté l'union monétaire sans lire le mode d'emploi qui était sur la boite. On s'est réfugié dans un exutoire qui était l'endettement. C'est à partir de ce moment-là que l'endettement a progressé. Aujourd'hui on est au bout de cet exutoire, et on le paie cash. L'exemple le plus criant, c'est la mise en place des 35 heures. Elle est faite au moment où on adopte la monnaie unique sans voir, sans comprendre que cela va déclencher des problèmes qui ne se verront que 10 ou 15 ans plus tard. Il y a une inertie extraordinaire dans le système. La facture n'est payée qu'en différé. On en est là aujourd'hui.
Crise éco : "On paye les choix qui ont été fait pendant les dernières décennies" François Lenglet https://t.co/k3EnvlunEF
— franceinfo (@franceinfo) 15 décembre 2016
Mais à qui la faute ? Aux politiques, seulement ?
Aux gens qui ont dirigé le pays, pas seulement les politiques. Les responsables d'entreprise ont une part de responsabilité aussi. Il est probable que les journalistes également. Il y a eu un consensus qui nous a envoyé du mauvais côté. Et ça continue. J'étais frappé de voir, au moment de l'affaire Alstom, que l'on utilise un subterfuge qui va coûter plusieurs centaines de millions d'euros. On va faire rouler des TGV sur des lignes qui ne sont pas prêtes pour cela, de façon à maintenir en l'état des emplois. Bien évidemment, il faut s'occuper des gens qui sont en difficulté. Pour autant, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux les former ? Les aider à prendre un autre cheval plutôt que d'essayer de maintenir celui qui n'a plus véritablement de nécessité, ou en tout cas de nécessité économique.
Peut-on encore agir aujourd'hui ?
Bien sûr. Le levier clé, c'est la montée en gamme de l'économie. C'est ça qui nous sauvera, avec l'euro ou sans l'euro. (…) Ça veut dire concevoir des produits plus évolués. Il faut mieux former les ressources humaines et notamment ces contingents considérables de non-qualifiés qui sortent de nos écoles tous les ans. [L'élection présidentielle de 2017], c'est une occasion très importante, parce que si elle était ratée, on s'en remettrait à 2022. Les coûts sociaux de ces choix commencent à être vraiment très élevés. Le système turbule, parce que les tensions s'expriment avec la montée en puissance de partis en frange. L'extrême gauche et l'extrême droite, à partir d'un diagnostic qui n'est pas toujours saugrenu, proposent des solutions qui sont parfois dangereuses.
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