L'interview éco. Anne-Laure Delatte : "La relance budgétaire ou une vraie politique industrielle pour relancer les investissements"
Anne-Laure Delatte, économiste spécialiste de l'Europe et de l'euro et directrice adjointe du centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), était l'invité de Jean Leymarie sur franceinfo, jeudi 8 décembre.
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé jeudi 8 décembre qu'elle avait décidé de prolonger jusqu'à fin 2017 ses rachats massifs de dettes publiques et privés à hauteur de 60 milliards d'euros par mois, pour soutenir l'économie de la zone euro. Mais cette décision n'est pas sans présenter des risques, selon Anne-Laure Delatte, économiste spécialiste de l’Europe et de l’euro et directrice adjointe du CEPII (centre d'études prospectives et d'informations internationales).
franceinfo : Pourquoi la BCE a-t-elle décidé de continuer cette politique monétaire ?
Anne-Laure Delatte : On est toujours dans une situation préoccupante, du point de vue économique. La BCE n'a qu'un objectif, la stabilité des prix et avoir un taux d'inflation autour de 2 %. L'inflation, ça veut dire de l'activité. En réalité, quand vous avez 0 % ou 1 %, ça veut dire qu'il n'y a pas de demande dans l'économie. Aujourd'hui on est à 1 %. Il faut continuer à soutenir l'économie pour atteindre cet objectif.
Pendant une année encore, l'économie de la zone euro ne reposera que sur cette politique. Est-ce suffisant ?
La politique monétaire ne peut pas tout, et on n'a que ça aujourd'hui en Europe puisqu'on est contraints par les règles européennes sur nos politiques budgétaires et on n'a pas de politique industrielle, en réalité. Donc si on veut relancer la croissance, si on veut relancer les investissements et atteindre cet objectif de moins de chômage, plus d'inflation, plus d'activité, il faut penser à d'autres outils en plus de la politique monétaire : la relance budgétaire ou une vraie politique industrielle pour relancer les investissements.
Quels sont les risques de cette focalisation sur un seul outil ?
Je vois deux risques. Le premier, c'est l'absence de munition si une nouvelle crise arrive. Elle peut venir en interne, à l'intérieur de la zone euro, notamment des banques italiennes qui sont fragiles et peuvent potentiellement faire faillite. Deuxième risque, c'est qu'on va avoir un changement radical de la politique américaine et du contexte international avec l'arrivée du nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump. Il va appliquer une politique populiste qui consiste en une politique d'infrastructures, pour les routes, malheureusement pas pour les femmes et pas pour la recherche en développement, mais en tout cas ça va marcher. Ils vont construire des choses qui vont faire que ça va relancer l'économie. Donc, soit la semaine prochaine, soit au début de l'année prochaine, la Banque centrale américaine, la Fed, va probablement augmenter ses taux, c'est-à-dire faire l'inverse de ce que nous, on a fait aujourd'hui. Donc on va être dans une situation découplée par rapport aux Etats-Unis. On va être dans une situation complètement différente. Or aujourd'hui, il est très difficile de maintenir une politique monétaire qui est en radicale opposition avec notre partenaire américain. (…) Il va y avoir une dépréciation de notre monnaie à nous, sachant que l'euro a déjà perdu 40 % en 2-3 ans. Là, on est quasiment à la parité, il faut 1,06 dollars pour 1 euro. Donc on va avoir une dépréciation de notre monnaie et un changement macroéconomique qui va être vraiment difficile à soutenir.
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