"Il n'existait pas de produits adaptés" aux cheveux texturés dans les circuits classiques, ce qui explique la "sucess story" des Secrets de Loly
Avoir les cheveux bouclés ou frisés, les accepter sans faire semblant de ressembler à quelqu'un d'autre, c'est un choix capillaire qui est tout sauf anodin. D'innombrables femmes disent merci aujourd'hui à Kelly Massol, fondatrice et PDG des Secrets de Loly. C'est notamment grâce à ses produits, à ses shampoings, à ses soins qu'elles aiment désormais leurs cheveux. Aujourd'hui, ces produits se vendent dans de nombreux réseaux comme Sephora, Monoprix et Nocibé.
franceinfo : Kelly Massol, vous avez réalisé un chiffre d'affaires de 17 millions d'euros en 2022. Et pourtant, vous étiez toute seule quand vous vous êtes lancée en 2009, est-ce que vous pouvez nous raconter ?
Kelly Massol : Les Secret de Loly est une marque de cosmétiques capillaires naturels que j'ai démarré dans ma cuisine à l'époque avec mon 13ᵉ mois à la Sécurité sociale, c’est-à-dire 1 500 euros. J'ai appris la formulation cosmétique par moi-même, parce que je ne trouvais pas de produits adaptés à mon type de cheveux dans le commerce et donc j'ai décidé de les créer moi-même.
"J'ai lancé mon site internet. Et puis la machine s'est emballée. J'ai fabriqué l'intégralité de la gamme à la main, et ce jusqu'en 2015."
Kelly Massolà franceinfo
Vous aviez 25 ans à l'époque. Est-ce que vous aussi, avant de créer vos propres soins, vos propres shampoings, vous vous lissiez les cheveux ?
Alors moi non. Je ne lissais pas mes cheveux au quotidien, mais j'avais tendance à les maltraiter.
Est-ce que vous avez souffert de discrimination capillaire ?
La discrimination capillaire est un sujet important. J'étais la semaine dernière à l'Assemblée avec un député, Monsieur Serva, qui porte une volonté de faire passer une loi contre la discrimination capillaire.
"Oui, bien entendu, on m'a déjà demandé de me lisser les cheveux ou de m'attacher les cheveux."
Kelly Massolà franceinfo
Ce n'est pas évident aujourd'hui en 2023 avec l'apparition des réseaux sociaux, mais pour qu'une femme soit présentable, bien habillée, bien coiffée, on lui demande soit de s'attacher les cheveux, soit de les lisser.
C'est exprimé ?
C'était exprimé. Aujourd'hui, j'ai 40 ans, donc ça fait quand même pas mal de temps que je suis dans la vie active. Mais à l'époque, c'était exprimé, tout simplement qu'on gênait "pour voir le tableau", ou parce que tout simplement "tes cheveux prennent trop de place".
Et vous avez l'impression qu'aujourd'hui ça arrive moins.
Ça arrive moins, mais ça arrive encore. Dès la cour d'école, les enfants ont déjà des remarques discriminantes sur les cheveux des autres, sur les corps des autres, la peau, la couleur de peau des autres. Et ça fait partie effectivement des remarques discriminantes qu'on peut qu'on peut avoir, et ce dès l'école primaire.
J'ai lu que 60% de la population mondiale a le cheveu texturé, c'est-à-dire non lisse, alors que 70% des produits capillaires aujourd'hui sont dédiés aux cheveux lisses. Ça paraît incroyable.
Il y avait une distribution de niche, pour un marché qui est plus que grand public : six personnes sur dix dans le monde n'ont pas des cheveux raides. Et il n'y avait pas de produits adaptés dans les milieux de distribution classique.
Vous avez fait de la publicité récemment avec "My Hair, My Power" : des spots TV, des affiches sur les Champs-Élysées. C'était en septembre 2022. Mais avant cela, vous avez "recruté" vos clients par le bouche-à-oreille.
Oui, j'ai démarré sur internet, avec ma petite boutique en ligne. Ensuite un petit magasin dans le 12ᵉ arrondissement. J'ai commencé à polliniser un petit peu la région parisienne. Les clientes satisfaites recommandent neuf fois sur dix nos produits, donc c'est comme ça que ça s'est fait. Et aujourd'hui, c'est un secret qui se partage entre amis ou tout simplement par sororité. Que ce soit entre hommes ou entre femmes, mais essentiellement entre femmes.
Ce qui est intéressant aussi, c'est que votre stratégie sur internet, via les réseaux sociaux, s'est faite avec des influenceurs que vous n'avez pas payés finalement.
Effectivement, ce qui est très important, c'est l'authenticité. On a tous vu des belles publicités. En fait, c'était des perruques qui étaient mises en avant pour vous vendre un shampoing. Donc moi, j'ai appliqué une stratégie de marketing d'influence. À l'époque, il n'y avait pas de nom pour la stratégie de marketing d'influence.
" Je suis allée voir des créateurs de contenus, avec des petits comptes qui allaient de 5 000 à 10 000 followers, au tout début."
Kelly Massolà franceinfo
Je leur ai proposé les produits. Ils ont été satisfaits et donc ils ont partagé auprès de leur communauté. On n'a pas fait de "social media" payant, que ce soit Instagram, Facebook ou autre, jusqu'à la fin d'année 2022.
Et ce n'est pas seulement pour des raisons financières.
Non, c'est vraiment parce que l'authenticité est importante. On aide des femmes à se convertir au naturel, donc elles ont besoin d'avoir une sincérité et une authenticité. Et donc on est passé de 15 000 followers en juillet 2019 à 250 000 followers.
Vous dites des produits naturels, il n'y a pas de produits chimiques du tout ?
Effectivement, nos produits sont à 98,6% minimum d'ingrédients naturels. Le reste est principalement un conservateur, qui est autorisé en bio et en écocertifié, mais qui lui est d'origine synthétique.
Vous avez ouvert votre capital l'an dernier. Pour quelle raison et pourquoi vous avez mis tellement de temps à le faire ?
On a été en autofinancement jusqu'en juin 2022. Au début, ce n’était pas une volonté, mais aucune banque ne voulait me prêter d'argent. Parce qu'en France les banques ne financent pas le stock. Et moi j'avais une demande, j'avais juste besoin de stock. Je n'avais pas besoin de quoi que ce soit d'autre, donc j'ai réussi à le faire en autofinancement, en gérant bien ma barque comme une bonne mère de famille, avec mon directeur général. Et puis j'ai senti à un moment qu'il était temps et que les plus méritants devaient recevoir les résultats et les récompenses. Donc, c'est à ce moment-là que j'ai décidé de faire rentrer un investisseur minoritaire. J'ai fait ce qu'on appelle un LBO, une levée de fonds, qui m'a permis de vendre quelques parts de mon entreprise, pour être accompagnée.
"Je suis allé chercher du mentoring plus que de l'argent."
Kelly Massolà franceinfo
Grâce à ces financements, vous vous êtes lancée à l'export. J'ai vu que vous vendez vos produits en dehors de France désormais.
Alors comme on est né sur Internet, on livre déjà dans 57 pays. Mais c'est vrai qu'il y a des pays en cours d'ouverture. On a ouvert notamment la Pologne, qui est un très gros marché, qui est peut-être numéro deux ou trois en Europe. Et ensuite on a ouvert les Émirats arabes unis. Pour un démarrage en 2024, on a mis un an à faire le réglementaire et donc c'est comme ça qu'on va continuer à s'ouvrir entre l'Europe et les Émirats arabes unis.
Quelle est la prochaine étape ?
Maintenant qu'on a fait rentrer Sephora, qui était donc un de nos objectifs pour la distribution en France et à l'international, la prochaine étape est de consolider les Émirats arabes unis. Continuer à recruter, à structurer. On est passé d'une entreprise de 17 personnes, quand on avait 17 millions d'euros, à plus de 20 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et là, on est 32 cette année et on va continuer à recruter.
"On fait, avec une petite équipe très motivée, beaucoup de choses."
Kelly Massolà franceinfo
Vous allez également lancer une académie pour former des coiffeurs, parce que c'est l'autre volet, on n'avait pas de soins et on ne sait pas non plus coiffer.
C'est un sujet. On a réussi à convertir les femmes à des bons produits. Ensuite, on a créé la distribution du marché. Et donc maintenant, il faut aller au début de la chaîne. Concrètement, si vous avez des bons produits, qui ne sont pas chez le coiffeur, ça ne sert à rien.
"Sur 100 000 salons de coiffure en France, il n'y en a que 100 qui sont formés aux cheveux texturés."
Kelly Massolà franceinfo
Donc même s'ils sont en train de faire changer le diplôme - et que c'est une option payante, il y a 100 000 salons de coiffure qui ne sont pas aptes. Ce sont eux qu'il faut former, parce qu'en attendant que les nouveaux sortent de l'école, il y a 100 000 personnes à former.
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