IA : "On se concentre avant tout sur ce qui est utile pour vous", assure Matt Brittin, patron de Google pour la zone Europe-Moyen-Orient-Afrique
Créer l’assistant ultime, tel est l’actuel enjeu des géants de l’intelligence artificielle. Après Open AI qui vient de présenter la nouvelle génération de ChatGPT, Google a, à son tour, dévoilé quelques nouveautés mardi 14 mai depuis son siège de Montain View en Californie aux États-Unis. Le modèle d'IA de Google c’est Gemini. Matt Brittin, patron de Google pour la zone Europe-Moyen-Orient-Afrique nous explique comment ses performances ont été améliorées.
franceinfo : vous annoncez notamment que votre Intelligence artificielle générative, Gemini devient encore plus performante ? Comment concrètement ?
Matt Brittin : Gemini est notre série de grands modèles linguistiques conçus pour tout le monde. Certaines versions fonctionnent sur votre téléphone portable, ce qui signifie, par exemple, que nous pouvons donner aux gens des sous-titres en direct. Si vous avez des difficultés d'élocution, vous pouvez l'entraîner à donner des sous-titres et cela change la vie. Gemini est capable d'absorber beaucoup plus d'informations que n'importe quel autre logiciel.
"Imaginez que vous vouliez faire une étude à partir d’articles scientifiques complexes. Vous pouvez les envoyer à Gemini et lui demander de les résumer dans un langage qu'un enfant de 12 ans pourrait comprendre."
Matt Brittin, patron de Google pour la zone Europe-Moyen-Orient-Afriqueà franceinfo
L'autre point sur lequel nous avons fait des annonces concerne l'infrastructure. La qualité d’une intelligence artificielle dépend de l'infrastructure sur laquelle elle fonctionne. Chez Google, depuis plus de 10 ans, nous construisons nos propres puces électroniques pour l'IA et nous venons d'annoncer la 6e génération de ces puces. Cela signifie que l'IA peut être plus rapide, plus propre et plus efficace pour tout le monde.
L’entreprise Open IA, qui développe ChatGPT, annonce une IA générative capable d’émotions et qui peut traduire en temps réel d’une langue vers plusieurs autres langue. Votre IA n’est-elle pas ringarde à côté ?
C’est sûr que c’est une période incroyable pour l’innovation dans l’IA. Et depuis 10 ans, c’est Google qui montre le chemin en créant une opportunité pour les grands modèles de langage comme ChatGPT, comme Mistral aussi qui a été créé par un ancien scientifique du laboratoire de Google, Deepmind ; il est français et il a été alimenté par la haute technologie de Google. Donc c’est un terrain particulièrement collaboratif. Ce qu’on essaye de faire chez Google, c’est de nous concentrer sur vous, l’utilisateur. De quoi avez-vous besoin, qu’est ce qui serait bénéfique pour vous ? Gemini a été conçu pour comprendre les images, les sons, les vidéos, le codage, toutes ces différentes choses, pour vous donner des réponses à ces questions. Il y a quelque temps, on a fait une démonstration : on a demandé à Gemini de trouver les moments drôles dans un film et d’expliquer en quoi ils étaient drôles, donc elle a déjà toutes ces capacités. Mais ce sur quoi on se concentre avant tout chez Google, c’est que ce soit utile pour vous et votre vie de tous les jours.
L’intellligence artificielle n’est pas simplement utile dans la vie de tous les jours, elle peut améliorer, accélérer, la recherche scientifique comme Alphafold, qui prédit la structure et les intéractions des molécules. Expliquez-nous comment ?
Nous sommes vraiment fiers de notre recherche. Nous avons un laboratoire à Paris avec plus de 300 chercheurs qui travaillent sur l'intelligence artificielle de pointe. Alphafold est un logiciel d’intelligence artificielle sur les protéines, qui sont les éléments constitutifs de la vie. Auparavant, un doctorant passait toutes ces années de doctorat à comprendre la structure 3D d'une protéine. Or, il existe environ 175 000 protéines dont la structure 3D a été identifiée au prix d'un travail minutieux. Alphafold a produit en quelques mois la structure 3D de 214 millions de protéines. Nous avons mis cette base de données gratuitement à la disposition de tous les chercheurs. Vous n'avez pas besoin de financement, vous n'avez pas besoin du temps et des efforts qui pourraient être consacrés à la recherche de remèdes contre les maladies, trouver de nouveaux vaccins, trouver de nouvelles souches de cultures plus résistantes aux maladies. Il s'agit donc d'une avancée considérable qui a été applaudie par la communauté scientifique. En France, plus de 40 000 chercheurs travaillent avec la base de données d’Alphafold.
L’Europe tente de mettre fin à la position dominante de Google avec le Digital Market Act qui vous interdit de mettre en avant vos propres services sur votre moteur de recherche. Ça se passe bien ?
Soyons clair, le moteur de recherche de Google est très populaire mais ce n’est absolument pas la seule façon d’accéder à l’information. Réfléchissez à la façon dont, depuis 10 ans, vous utilisez les réseaux sociaux, allez directement sur les sites d’information, utilisez des applications. Donc Google doit en permanence se battre pour attirer l’attention. Mais l’Union européenne a décidé que la responsabilité des services les plus populaires est plus élevée et Google en fait partie avec d’autres. Il est normal que les plus grands acteurs soient d’avantage scrutés. Et l’Europe a tendance à mettre en place une régulation assez rapidement, ce qui signifie que les règles sont claires. Nous devons être certains de nous mettre en conformité avec ces règles et cela demande parfois du temps et des efforts. Mais bien sûr nous voulons le faire car nous voulons être disponibles pour les utilisateurs européens. Nous avons des milliers de personnes qui travaillent pour Google en Europe, des Européens qui veulent être certains que les produits sont fabriqués par tous et pour tous.
Vous comprenez l’enquête lancée par la Commission européenne le 25 mars ?
La Commission commence à lancer des enquêtes, ce qui laisse supposer qu'elle rédige des règlements. Elle doit couvrir un large éventail de technologies différentes, et pas seulement celles de Google et d'autres. Et elle commence à poser des questions. Les gens se conforment-ils à ces réglementations ? C'est en grande partie ce que nous appelons "le diable se cache dans les détails". Cela fait donc partie du processus normal de contrôle. Nous devons apprendre, avec les régulateurs, à quoi ressemble une bonne conformité. Au cours des dix dernières années passées à la tête de Google en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, mon travail a consisté à démontrer que nous sommes de bons citoyens. Nous avons une équipe formidable en France, 1 300 personnes dont la plupart sont des Français qui comprennent les valeurs françaises et qui ont établi une relation de confiance avec les autorités françaises. Ainsi, lorsqu'elles ont une question à nous poser, elles savent qu'elles peuvent nous aider. Il est juste que les décideurs décident des règles et que nous les respections. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur tout, on veut donner notre avis quand une nouvelle technologie est disponible et qu’elle contient d’avantage de bénéfices. C’est pourquoi nos annonces sont importantes et c’est super que la France fasse son chemin avec des projets comme Mistral dans l’IA.
Dernier sujet, la limitation des écrans pour les enfants ; en Chine, les mineurs n’ont plus le droit d’avoir accès à internet entre 22h et 6h du matin depuis août dernier. L’Utah est le premier État américain à mettre en place un couvre-feu numérique pour les moins de 18 ans ; qu’est ce que vous en pensez ?
Je pense que c'est aux parents de décider comment ils veulent que leurs enfants utilisent la technologie et vivent dans le monde. Et les parents ont un large éventail de points de vue. Si vous souhaitez assurer la sécurité de votre famille en ligne, si vous voulez savoir ce que vos enfants regardent, si vous voulez contrôler le temps qu'ils passent devant l'écran, nous avons créé un outil appelé Family Link qui vous permet de faire exactement cela et d'assurer la sécurité de vos enfants en ligne. Les parents ont ainsi la possibilité de contrôler les applications et les sites web consultés par leurs enfants. Quels sites web leurs enfants consultent et pendant combien de temps. C'est la façon dont nous pensons qu'il est approprié de procéder. Certains gouvernements peuvent choisir de réglementer. C'est à eux de décider. Ce sont les gouvernements élus.
"À notre avis, c'est le choix des parents qui compte."
Matt Brittinà franceinfo
Je pense donc que la technologie est là pour permettre à nos enfants de s'épanouir. C'est une opportunité énorme. Les enfants et la possibilité, grâce à l'IA, d'une éducation adaptée aux besoins des enfants. Mais nous devons aussi éduquer les enfants sur les dangers, et selon l'âge de l'enfant, nous les protégeons en contrôlant ce qu'ils voient. Ensuite, nous apprenons aux parents, aux entreprises technologiques, aux gouvernements et à d'autres à être prudents, à interpréter les informations et à assurer leur sécurité. En ligne, nous avons mis en place des programmes avec des écoles dans toute la France pour enseigner la sécurité en ligne aux enfants, aux parents et aux enseignants.
Est-ce que vous avez limité le temps d’écran à vos enfants quand ils étaient petits ?
C'est exactement ce que j'ai fait pendant que mes enfants grandissaient. Mais la conversation que j'ai eue avec eux était surtout de comprendre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas, ce qui existe et comment être en sécurité en ligne. Car l'internet est une réalité. Et tout comme dans le monde réel, vous ne laisseriez pas votre petit enfant courir dans les rues, vous ne le laisseriez pas non plus se promener tout seul dans le monde de l'Internet. Mais en grandissant, nous comprenons qu’il faut tirer le meilleur parti de cet atout incroyable. Nous voulons essayer de travailler avec les gouvernements, les communautés et les autres entreprises pour nous assurer que l'internet est sûr et positif. Nous sommes à l'heure du décollage de cette nouvelle technologie qui présente d'énormes avantages pour la science, la santé, le développement durable et l'éducation. Il nous appartient à tous de travailler ensemble pour que chacun puisse profiter de ces avantages et pour assurer la sécurité de tous.
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