Chômage des seniors : le problème vient des "portes fermées par les entreprises", pas de la durée d'indemnisation, selon l'Apec

L'Association pour l'emploi des cadres (Apec) publie mardi 2 avril son bilan pour 2023 et ses prévisions pour 2024. Gilles Gateau, le directeur général de l'Apec, vient nous faire part de son analyse.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
Gilles Gateau, directeur génénral de l'APEC. (RADIOFRANCE)

Les cadres représentent 20% des salariés et dans le secteur privé, en 2023, 330 000 cadres ont été recrutés, selon l'Association pour l'emploi des cadres (Apec). C'est 7% de plus qu'en 2022, même si le rythme des embauches a tout de même nettement ralenti en 2024. Selon Gilles Gateau, directeur général de l'Apec, l'année 2023 a été encore très dynamique, et le taux de recrutement en 2024 sera lié aux investissements. Alors qu'une réduction de la durée d'indemnisation de l'assurance chômage est souhaitée par le gouvernement, Gilles Gateau relève que selon lui, les difficultés des cadres au chômage sont liées au fonctionnement du marché du travail, et non au fait qu'ils soient indemnisés.

Franceinfo : L'an dernier, plus de 330 000 cadres ont été recrutés en France, mais le rythme baisse en 2024 par rapport à l'année précédente. C'est ce que dit votre rapport.

Gilles Gateau : L'année 2023 est un record. On ne s'attendait pas forcément, à l'Apec, à un résultat aussi positif. On avait senti des signes de ralentissement à l'automne et finalement, on a un résultat historiquement élevé, avec plus de 330 000 embauches de cadres, avec des différences, évidemment, entre les secteurs.

Beaucoup d'embauches ont eu lieu dans l'industrie notamment : 15% de plus dans l'automobile et l'aéronautique. Ces deux secteurs repartent bien.

Oui, la dynamique dans l'industrie était peut-être un peu moins forte en 2021 et 2022, en sortie de Covid, parce que c'est plus lent de repartir quand il faut construire des usines, acquérir des machines. L'industrie, c'est évidemment un peu plus compliqué que les services, mais on voit clairement en 2023 cet effet de rattrapage, et aussi cette réindustrialisation "verte" dont on parle beaucoup. Et pour ça, il faut des ingénieurs, des cadres, de l'investissement.

"L'investissement est très corrélé à l'emploi des cadres."

Gilles Gateau

à franceinfo

Les recrutements se sont par contre essoufflés dans les services, avec certains secteurs en particulier.

Pas de surprise concernant la construction : on a une diminution nette des volumes de créations de postes et d'embauches en 2023. On le retrouve aussi dans certains secteurs de services ou de commerce. Et puis dans l'immobilier, là, c'est carrément un effondrement de 30% des intentions d'embauches pour 2024. Pour l'immobilier, la crise est encore devant, d'une certaine façon.

La croissance attendue est à moins de 1% en 2024. Comment ça va se traduire pour les cadres ?

On part d'un niveau qui est très haut sur 2023. Donc, quand on dit qu'on va être à peu près stable en 2024, qu'on va garder cette même dynamique, on reste quand même à un niveau élevé. Dans ce que les entreprises nous disent aujourd'hui de leurs intentions pour 2024, ça fait beaucoup d'opportunités d'embauches pour les cadres et les ingénieurs pour l'année prochaine, autour de 337 000.

Cela reste en progression.

Oui, légèrement. On va dire qu'on arrive sur un plateau ou sur le début d'une inversion. Ça va beaucoup dépendre de la trajectoire économique, et en particulier de celle de l'investissement. L'emploi des cadres est davantage lié à l'indicateur de l'investissement qu'au moteur de la consommation. Or, la Banque de France nous prédit plutôt une légère baisse, -0,4%, de l'investissement l'année prochaine. Donc on peut voir un effet de ralentissement.

"Si l'investissement se maintient, notamment l'investissement industriel, ça peut être encore très positif pour l'emploi cadre."

Gilles Gateau

à franceinfo

Le Premier ministre Gabriel Attal dit vouloir une nouvelle négociation sur l'assurance chômage d'ici l'été. L'idée est de durcir les règles existantes, notamment avec la réduction de la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi. À votre avis, cette réduction favorise-t-elle effectivement le retour à l'emploi ?

Je ne vous donnerai pas forcément mon avis sur ce sujet. C'est un sujet dont les partenaires sociaux vont discuter avec l'État qui visiblement a très envie de s'inviter dans cette discussion. Moi, ce dont je peux témoigner du côté de l'Apec, c'est que pour ce qui concerne les cadres, on est quasiment au plein-emploi. Le taux de chômage des cadres en France est de 3,5%, et pourtant, il y a des cadres au chômage. Le plein-emploi ne veut pas dire que les chômeurs qui le restent veulent le rester, c'est une idée fausse. Et elle est encore plus fausse quand on est à 7,5% de taux de chômage au global. Les cadres que nous recevons tous les jours, qui sont inscrits à France Travail et qui viennent à l'Apec, ou que France Travail nous adresse, ce sont des gens qui cherchent effectivement.

"La difficulté des chômeurs que nous rencontrons ne vient pas du fait qu'ils sont indemnisés et que ça les rendrait moins actifs dans leur recherche. Ce n'est pas du tout ce que nous observons."

Gilles Gateau

à franceinfo

Ce que nous observons, pour une majorité des plus de 100 000 demandeurs d'emploi de 55 ans ou plus, c'est que les portes de l'embauche sont clairement fermées par les entreprises. Ça devient beaucoup plus difficile après 50 ou 55 ans. Et là, ce n'est pas une question d'indemnisation du chômage, c'est vraiment une question de fonctionnement du marché du travail qui doit changer pour ce qui concerne les seniors. Le problème est là, il n'est pas dans la durée d'indemnisation.

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