Catherine Simon (Innorobo) : "Il n’y a pas de corrélation entre la robotisation et le chômage"
Catherine Simon, présidente fondatrice du salon de la robotique Innorobo, le grand salon annuel de la robotique était l'invitée de l'interview éco, mardi, pour évoquer l'impact de la robotisation de la société sur l'emploi.
Selon la Fédération internationale de la robotique, les ventes de robots ont augmenté de 16 % dans le monde l'an dernier et de 39% en France. Il n'y a pas de "corrélation évidente" entre la robotisation des usines françaises et la destruction d'emplois, selon Catherine Simon, présidente fondatrice du salon de la robotique Innorobo, le grand salon annuel de la robotique. Invitée de l'interview éco mardi 3 octobre, elle explique qu'il faut "essayer de se préparer à ce que les scénarios alarmistes" de l'impact sur l'emploi de la robotisation annoncée des usines françaises "n'arrivent pas ou soient les moins probables".
franceinfo : Que font ces nouveaux robots dans les usines ?
Catherine Simon : On a mis un petit peu de temps à avancer dans la robotisation de notre industrie et investir dans notre équipement. Aujourd'hui, vous avez deux sortes de robots industriels : le robot traditionnel, derrière des caches, qui est plutôt un automate et qui répète inlassablement le même geste de façon très précise et très rapide, et puis le robot collaboratif, qui sort des caches, qui est doté de capacités sensorielles, qui comprend et perçoit son environnement et du coup qui peut travailler aux côtés des hommes. C'est cela l'innovation. Les robots les plus courants font de la soudure, de la peinture. Ils percent des trous, déplacent des pièces de très grande capacité ou d'un très grand poids et peuvent aller dans des milieux hostiles. Ils deviennent mobiles parce qu'on les dote de capteurs qui leur permettent de ressentir, de sentir leur environnement. Ils vont éviter les obstacles, éviter des trous. Ils ne vont pas cogner les humains.
Combien coûte un robot aujourd'hui pour une usine ?
Cela dépend du type de robot. Vous en avez à partir de 30 000 euros à peu près, plutôt du robot 'light weight' (poids léger) qui sera capable de faire un certain nombre de tâches, mais qui ne pourra pas déplacer d'énormes charges. Les prix peuvent monter jusqu'à plusieurs millions d'euros. Ce qui est intéressant, c'est que dans la robotique industrielle traditionnelle (les automates), la machine coûtait plusieurs millions d'euros, mais vous aviez tout un travail d'ingénierie autour, de services qui multipliaient le prix du robot dans son installation par quatre.
Aujourd'hui, quand vous avez des robots collaboratifs de poids léger, qui peuvent s'installer dans les PME (petite et moyenne entreprise) ou même chez les artisans, le coût est divisé de beaucoup. Cela commence à 30 000 euros et l'installation d'une manière générale atteint 100 000 euros.
On se pose beaucoup de questions sur le modèle économique. C'est un modèle à réinventer, on parle du robot 'as the service', au même titre qu'on avait 'software as the service'. On parle de location de robots et de robots flexibles que l'on va pouvoir déplacer et modifier ses tâches au fur et à mesure des besoins.
Si on regarde pays par pays, on voit qu'il y a toujours beaucoup moins de robots dans les usines françaises que dans les usines allemandes. Comment l'expliquez-vous ?
Les Allemands ont conservé une forte industrie automobile qui comprend beaucoup de robots industriels. C'est l'industrie électronique qui est en train de prendre le pas de la croissance. En France, on a traditionnellement des entreprises de services et des entreprises de petite taille. Donc on a fortement robotisé notre industrie automobile mais pas assez et on a plutôt délocalisé ce qui n'était pas forcément une bonne idée. En même temps, on a plus de robots que les Anglais et que les Espagnols. Il ne faut pas faire que du misérabilisme, mais on en a moitié moins que l'Italie et un quart de moins que les Allemands.
Quand on parle de robot, on parle forcément d'emplois. La robotisation détruit des emplois, d'après de nombreuses études sur le sujet. Est-ce une bonne nouvelle ?
Il n'y a pas de corrélation. Le pays avec la plus forte densité robotique, c'est à dire le plus grand nombre de robots par 10 000 ouvriers dans les usines, c'est la Corée, avec 631 robots pour 10 000 ouvriers, et leur taux de chômage c'est 3,9 %. L'Allemagne, extrêmement robotisée, a un taux de chômage inférieur au notre. Donc je pense qu'il n'y a pas de corrélation, mais oui, il y a une transformation des métiers, des postes. On enlève tout ce qui peut être mécanique, répétitif dans une tâche d'ouvrier, qui amène le burn-out, le stress, etc.
En ce qui concerne cette transformation robotique annoncée, on ne la vit pas encore tant que ça. L'accélération va arriver dans les quinze, vingt prochaines années. La robotisation va envahir des entreprises de service (hôtels, magasins) et le domaine de l'assurance. Comme le téléphone portable, le véhicule autonome va changer nos vies et notre façon d'interagir en société.
La conséquence sur l'emploi, il faut s'y préparer. Il faut regarder les différents scénarios possibles - alarmistes comme positifs - et essayer de se préparer pour que les scénarios alarmistes n'arrivent pas ou soient moins probables. Je pense qu'il y a une responsabilité de l'entreprise de ne pas utiliser uniquement la robotique pour "faire la même chose à moindre coût" mais aussi pour créer des innovations car ces machines permettent de faire des choses qu'on ne peut pas faire tout seul.
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