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Elections territoriales en Corse : "Aujourd’hui le projet c’est l’autonomie, dans la République bien-entendu", selon Jean-Félix Acquaviva

Le député nationaliste de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva était l'invité de "L'interview J-1", jeudi sur franceinfo. Dimanche, les électeurs corses votent lors du premier tour des élections territoriales, pour désigner les membres de la collectivité territoriale unique (CTU), qui naîtra de la fusion des deux départements actuels et de la région. 

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Félix Acquaviva, élu député de Haute-Corse, le 18 juin 2017. (PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP)

Il se définit comme ambassadeur de son île en France. Jean-Félix Acquaviva est l’un des trois députés nationalistes corses élus en juin dernier. Il est l'invité de L’interview J-1 jeudi 30 novembre sur franceinfo, à la veille de la fin de la campagne officielle pour le premier tour des élections territoriales en Corse, qui se tiendra le 3 décembre. Dimanche, 244 000 électeurs corses sont appelés aux urnes pour désigner les conseillers territoriaux de la nouvelle collectivité territoriale unique (CTU), qui naîtra de la fusion des deux départements actuels et de la région. Sept listes s’affrontent. Parmi elles, le bloc autonomiste-indépendantiste Gilles Siméoni Jean-Guy Talamoni, uni dès le premier tour, c’est la majorité sortante, et qui parle sans cesse d’autonomie. A ne pas confondre avec auto-détermination, selon Jean-Félix Acquaviva.

franceinfo : La CTU est une première en France métropolitaine. Quelles sont les principales caractéristiques de cette instance inédite ?  

Jean-Félix Acquaviva : La loi instaure une collectivité unique, c’est-à-dire la fusion des deux départements qui existaient, département de Haute-Corse et de Corse-du-Sud avec la collectivité territoriale de Corse, l’équivalent de l’ancienne région. Se joignent donc les compétences des deux départements, une seule entité, une seule collectivité territoriale qui va gérer l’ensemble des compétences. Il y a 5 000 agents à gérer, 11 personnes à l’exécutif – un mini gouvernement régional – et 63 élus.

"Autonomie dans la République ça ne veut rien dire. C’est un poison lent",  a déclaré à France inter le président d’agglomération de Bastia, anti-indépendantiste, François Tatti. Pourquoi vous ne dites pas tout et que, au bout du bout, il y a l’idée quand même d’un référendum et d’une indépendance corse ?

Non, on dit tout, totalement d’ailleurs. Reconduire une union entre autonomistes et indépendantistes, c’est justement donner un cap clair aux Corses. Aujourd’hui, le projet c’est l’autonomie et nous sommes heureux d’entendre que d’autres forces viennent à la notion d’autonomie, mais c’est le seuil d’équilibre qui permettrait enfin de sortir de cinquante ans d’incompréhension, de combat politique, de rapport de force entre Paris et la Corse. L’autonomie dans la République, bien-entendu. Parce que l’autonomie ce n'est pas dans la République intergalactique, sinon ce serait l’indépendance. Si on dit autonomie, c’est une lapalissade, c’est forcément au sein de la République.

Quelle est votre définition de l'autonomie ?

L'autonomie c’est un terme très particulier et très clair, c’est la capacité de faire des lois et des règlements dans un certain nombre de domaines de compétence qu’il faudra négocier avec l’Etat.

Autonomie mais pas auto-détermination comme en Nouvelle-Calédonie donc ?

Je ne vois pas ce que l’autodétermination vient faire dans le débat aujourd’hui parce que l’autodétermination c’est tout simplement la reconnaissance d’un peuple qui peut décider de son avenir quel que soit cet avenir. Nous, nous pensons que le peuple corse (…) doit se prononcer à un moment ou à un autre sur chaque étape institutionnelle qui le concerne. Je rappelle d'ailleurs qu’en juillet 2003 il y avait eu un référendum sur les collectivités uniques et on avait bien consulté ce peuple corse. Ça avait échoué pour 500 voix, donc ça a bien eu lieu déjà.

Vous êtes l’un des trois députés nationaliste corse à l’Assemblée, élus en juin. Est-ce que vous aimeriez fédérer des régionalistes comme vous et faire un groupe parlementaire ?

Nous, ce que l’on constate depuis cinq-six mois c’est que les lignes bougent puisque sur certains amendements nous avons eu des convergences, y compris sur les langues régionales puisqu’on a vu des députés bretons, des députés créoles, des députés de France insoumise qui sont venus à la rescousse de nos amendements sur ces questions-là. Donc on voit bien qu’aujourd’hui il n’y a pas de 'bunkerisation' de nos propos. On est plutôt en train de construire des ponts plutôt que des murs. Il y a une possibilité pour qu’en début d’année il y ait un groupe, ça chemine. Je ne peux pas vous le confirmer aujourd’hui mais en tout cas c’est dans l’air du temps.

"Je veux l’émancipation de la Corse, je suis ouvert au dialogue", disait Emmanuel Macron en meeting, le 7 avril dernier en campagne. Est-il un bon interlocuteur pour vous et vos revendications ?

Malheureusement aujourd’hui, depuis cinq mois et ce discours à Furiani, et malgré les propos de Gérard Collomb qui répondait à un de nos collègues député sur la nécessité de l’autonomie dans la République, nous n’avons pas eu de cadre précis pour dialoguer sans tabou de la question corse, alors que par exemple il y a un cadre sur la Nouvelle-Calédonie et il y a un cadre d’ailleurs sur l’Outre-mer avec les assises de l’Outre-mer. On espère que c’est quelque chose de transitoire, que dès le 4 décembre - en espérant un grand score dès le 3 - il y aura un changement d’optique parce qu’il faudra bien qu’on se mette autour de la table et qu’on discute sans tabou.

Quelle est la situation du dialogue aujourd'hui avec le gouvernement ? 

Pour l’instant je crois qu’il n’y a pas de cap. Je crois qu’il y a des peurs, des méfiances, il y a aussi des velléités – qui a peur devient peureux. Je crois qu’il faut être clair et franc aujourd’hui. Il y a un fait démocratique, il s’est déjà manifesté. Il y a de fortes chances qu’il se manifeste encore, une nouvelle fois de manière très forte, le 3 et le 10 décembre. Il faudra bien qu’après la troisième fois en deux ans – décembre 2015, juin 2017, décembre 2017 –  le gouvernement prenne en compte un fait démocratique profond et il faudra bien que sur la question Corse il avance, et peut-être que ça fera débloquer certaines questions par ailleurs.  

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