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Le Qatar, le foot et l'émir

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Article rédigé par franceinfo - Fabrice d'Almeida
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Des supporters brésiliens à Doha (Qatar) le 19 novembre 2022, veille de l'ouverture de la Coupe du monde de football (DAVID GANNON / AFP)

La Coupe du monde de football commence à Doha, dimanche 20 novembre. L’occasion de revenir sur le pays organisateur et son étrange désir de Coupe du monde. En fait, le football au Qatar ce n’est pas une histoire si ancienne. Le premier club a été créé en 1950, Al Najah. À l’époque, le pays était sous protectorat britannique. Plusieurs autres clubs suivent, si bien qu’une fédération est créée en 1960 et le premier championnat lancé dans la saison 1963-64.

Mais il n’y a pas encore d’équipe nationale. Il faut attendre 1970 pour qu’une sélection soit effectuée, à la veille de l‘indépendance qui a lieu l’année suivante. C’est pour la Coupe du monde de 1978 en Argentine que les Qatariens participent au tour préliminaire pour la première fois. Le niveau est faible, mais l’équipe junior parvient quand même à se hisser en finale en 1981, battue par l’Allemagne fédérale.

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Dans ce pays qui fait la taille d’un département français, il n’y a pas vraiment d’équipe forte. Pourtant tout change dans les années 2000. Les clubs qatariens, sous l’impulsion du comité national olympique, se mettent à recruter de nombreux joueurs de haut niveau. D’abord en Egypte ou en Tunisie, puis dans les clubs européens même. Des stars, comme Batistuta ou Romario et même un champion du monde de l’équipe de France 1998 : Franck Leboeuf. Interviewé au moment de son arrivée, en 2004, ce dernier n’hésite pas à dire que pour cette puissance gazière, "tout est possible".

Enjeux géopolitiques

Tout est possible grâce à la stratégie voulue par l’actuel émir du Qatar Tamin Ben Hamad Al Thani. À l’époque il n’est que prince héritier. Mais il est convaincu que le sport est le moyen le plus sûr de faire connaître son pays et de lui donner une place dans la géopolitique internationale, où l’Arabie saoudite et l’Iran sont déjà bien installés. Pour le prince puis l’émir, il faut avoir de grandes compétitions. Le Qatar crée ainsi son tournoi de tennis, de golf, d’escrime, accueille les jeux asiatiques en 2006 et se lance même dans l’incroyable demande de la Coupe du monde de foot.

C’est lui, à la tête de son fonds souverain, la Qatar Investment Authority, qui a mené la politique qui débouche sur le choix de son pays par la FIFA en 2010. Après son accession au sommet de l’Etat en 2013, le jeune émir maintient cette stratégie qui lui permet de faire oublier la politique ambigüe du Qatar sur la scène internationale, entre Iran et Occident.

Malgré le caractère autoritaire de son régime, malgré les morts sur les chantiers, les menaces de boycott et les critiques sur le caractère dangereux pour le climat de cette manifestation, l’émir du Qatar va voir demain l’ouverture de la Coupe du monde dans son pays. C’est bien l’aboutissement du plan qu’il avait déjà mûri sous le règne de son père. Son équipe nationale pour la première fois est qualifiée pour la Coupe du monde, en tant que pays hôte. Depuis des années, l’émir a acquis des joueurs et les a naturalisés pour donner du poids à sa sélection nationale. Il doit rêver d’un succès qui couronnerait sa longue attente.

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