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La protocubiste Paula Modersohn-Becker sortie de l'oubli par Marie Darrieussecq

Le musée d’Art moderne de la Ville de Paris accueille une exposition de la peintre allemande Paula Modersohn-Becker. Visite avec Marie Darrieussecq, auteur d’une biographie-hommage de cette précurseur du cubisme morte à 31 ans.
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (''Reclining Mother and Child'', Paula Modersohn-Becker ©  Collection Ludwig Roselius, Bremen, Germany)

 Enfin la France accueille une exposition de la peintre allemande Paula Modersohn-Becker, au musée d'Art moderne de la Ville de Paris. Enfin, car cette artiste à la carrière très courte, elle est morte en 1907 à l'âge de 31 ans, était une avant-gardiste. 130 toiles et dessins permettent de découvrir cette précurseur du cubisme, dans une ville qu'elle adorait et qui a bien tardé à lui rendre hommage. Thierry Fiorile a visité l'expo avec Marie Darrieussecq qui publie une biographie de Paula Modersohn-Becker.

 

 

Visite de l’expo Modersohn-Becker avec Marie Darrieussecq

 

"Enfin, 110 ans après sa mort, c’est pour moi un aboutissement" , s’exclame l’écrivaine et psychanalyste. C'est par hasard que Marie Darrieussecq découvre Paula-Modersohn-Becker. La première toile qu'elle voit représente une mère et son enfant, nus, allongés, endormis. Elle est alors frappée par la modernité de cette toile de 1907, année de sa mort. Moderne comme ces autoportraits nus.* 

"C’est la première femme qui s’est peinte nue , explique Darrieussecq. C’est un grand moment de l’histoire de l’art : après de siècles de regard masculin sur le corps des femmes, cette femme, notamment parce que les modèles coutaient cher, se peint elle : ses seins, ses hanches, son ventre, son nombril. Du coup, ça n’est ni une maman, ni une putain. C’est une femme. Et c’est incroyablement neuf."*  

En échos réciproques avec les premiers travaux de Picasso 

C'est en 1898 que Paula Becker commence vraiment à peindre. Elle s'installe dans le nord de l'Allemagne, à Worpswede, austère village où vit une communauté d'artistes. Elle s'y marie avec le peintre Otto Modersohn mais l'expressionisme allemand est trop étroit pour elle. Contre l'avis de son mari, elle s’accorde de longs séjours à Paris, le Louvre, Cézanne, Gauguin : tout l'émerveille.

Ce qu'elle y voit confirme ses choix : naïveté, empathie avec le sujet, couleurs fortes, au même moment troublant où Picasso tordait d’une façon identique le réalisme : "Paula-Modersohn-Becker a un parcours en parallèle avec Picasso, poursuit Marie Darrieussecq. Ils sont contemporains, il y a des échos entre les deux. Il est possible qu’elle l’ait vu chez le marchand Vollard. Je ne sais pas si Picasso l’a vue, elle, mais il y a des échos assez troublant dans les deux sens. Malheureusement, elle meurt en 1907, c’est-à-dire au moment où Picasso bascule dans le cubisme. Elle se dit « protocubiste »."  

"Dommage ", un dernier mot avant de mourir 

Dans la capitale française, Paula Modersohn-Becker, amie du poète Rainer Maria Rilke, vit chichement. Elle n'aura d’ailleurs vendu que trois toiles de son vivant. Dans la biographie écrite par Marie Darrieussecq, des lettres inouïes, où la jeune femme écrit à son mari qu'elle le quitte. Mais qu'il doit continuer à lui envoyer de l'argent.

"Elle bricole comme elle peut avec toutes les choses avec lesquelles nous bricolons tous : le mariage, l’engagement, rester à la maison, fuir , s’amuse Marie Darrieussecq. Avec, dans ses lettres et journaux, l’humour de celle qui sait ce qui veut. L’argent est vraiment le nerf de la guerre, alors elle retourne auprès de son mari, dans un mariage de raison. Elle tombe enceinte, ce qu’elle désirait, mais meurt des suites de l’accouchement. Son dernier mot est « schaden », « dommage ». C’est pour ce mot là que j’ai voulu écrire son histoire"

 

En Allemagne, peu de temps après sa mort, Paula Modersohn-Becker est reconnue et y est toujours populaire. Parce que la France a longtemps dénigré la peinture allemande et qu'elle était une femme, ce n'est qu'aujourd'hui qu'on la découvre, enfin.

 

 

Paula Modersohn-Becker, une exposition au musée d'Art moderne de la Ville de Paris et une biographie signée Marie Darrieussecq, Etre ici est une splendeur , chez P.O.L.

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