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Habib Boukharouba : "Comment j'ai créé une armée"

L'homme d'affaires Habib Boukharouba est jugé ce jeudi à Paris. Il est accusé de "commerce d'armes de guerre sans autorisation". Pour le compte du Tchad, il a créé une armée de toutes pièces.
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (©)

Habib
Boukharouba se définit comme un "entrepreneur en armées ". Un homme
capable de fournir au Tchad toute une force aérienne, "clés en main"
: des avions, des hélicoptères, des lance-grenades. Aujourd'hui, ce Français
né à Oran, ancien pilote de l'armée de l'air se retrouve devant la justice. Il
risque jusqu'à dix ans de prison et 500.000 euros d'amende. Pourtant, il jure
qu'il a tout livré avec "le soutien tacite de la France ".

L'histoire se déroule entre
Paris et N'djamena, dans les coulisses du pouvoir. Philippe Vasset a enquêté
pour Le Nouvel Observateur . Il raconte comment Habib Boukharouba a construit,
en quelques années, une petite société performante. Griffon
Aerospace
 - c'est son nom - achète des avions, des hélicoptères. La société les équipent pour qu'ils puissent combattre. Ses
clients sont des Etats d'Afrique et du Moyen-Orient.

Au printemps 2005, Habib
Boukharouba reçoit donc un coup de téléphone. Au bout du fil, un représentant
du Tchad lui demande de l'aide. Le président tchadien, Idriss Deby, essaie de
repousser les assauts d'une guerilla. Mais son aviation est trop faible, trop
ancienne. Les appareils sont en train de rouiller. Habib Boukharouba
pourrait-il les rénover et former les pilotes tchadiens ?

L'homme d'affaires
accepte. Il envoie ses équipes à N'djamena. A la demande du Tchad, il va plus
loin. Il fait son marché. Aux Etats-Unis, en Suisse, en Algérie, au Pakistan,
il achète du matériel pour équiper l'armée tchadienne. Mieux encore, il envoie
ses propres pilotes pour participer à certaines missions et pour pilonner les
rebelles. Il sauve le président Idriss Deby.

A-t-il le droit d'agir ainsi
? En tout cas, il prend ses précautions. Sa société est installée près de
Paris. Elle a besoin du soutien officiel de la France. En octobre 2006, elle
demande donc au ministère de la Défense une "autorisation d'intermédiation
et de commerce
" de matériel de guerre. Habib Boukharouba n'a pas de raison
d'être inquiet. Depuis le début de cette affaire, il travaille sans arrêt avec
l'armée française qui est très impliquée au Tchad et qui soutient le président
Deby.

Dans Le Nouvel Observateur , Philippe Vasset raconte d'ailleurs comment se
déroulent les opérations : dans le ciel du Tchad, les avions de Griffon
Aerospace sont précédés par les Mirage de l'armée française. Au sol, ils sont
alimentés par le service des essences de l'armée. En 2008, quand Habib
Boukharouba quitte le pays, il a donc le sentiment du devoir accompli.

Mais quelques semaines
après, il tombe de haut. Dès son retour en France, il reçoit un courrier du
ministère de la Défense. L'Etat l'informe que sa demande d'autorisation pour
vendre des armes au Tchad a été refusée. Autrement dit, tout son travail sur place
devient illégal. Au sein de l'armée français, ses contacts se souviennent à
peine de lui. A l'Elysée, Nicolas Sarkozy a remplacé Jacques Chirac. Le
secrétaire général, Claude Guéant, a ses propres réseaux. Habib Boukharouba est
devenu un pestiféré. Dans Le Nouvel Observateur , il dit qu'il a été
"instrumentalisé ". En France, plus personne ne veut traiter avec lui.
Aujourd'hui, il se retrouve devant les juges.

 

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