Cet article date de plus de douze ans.

Gilbert Gatore, écrivain et sans papiers

Cet écrivain né au Rwanda, célébré en France, risque d'être expulsé.
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Franceinfo (Franceinfo)

Gilbert Gatore est écrivain et sa vie ressemble à un roman. C'est un cliché, mais c'est vrai. Son enfance, il la passe au Rwanda. En 1994, le génocide des tusis éclate au mois d'avril. La famille fuit le pays. Gatore n'a que treize ans. Avec ses parents, il erre à travers l'Afrique, jusqu'à ce jour de 1997 où il découvre la France. Il atterrit à Nice. Dans Télérama, Olivier Milot décrit le jeune exilé. Gatore parle mal le français, et pourtant, dix-huit mois plus tard, il obtient le bac, et même une mention "bien". Il s'accroche. Il entre à Sciences Po, à Lille, puis à HEC. Il est brillant.

En même temps, il écrit. Il porte en lui un livre intime et intense, une fiction marquée par le Rwanda et par le génocide. Ce roman s'intitule "Le passé devant soi". Gatore l'écrit en 2007, en quelques mois, dans le silence d'un monastère. Quand il a fini, il envoie le manuscrit à quatre grandes maisons d'édition. Le jeune homme reçoit aussitôt trois réponses positives. Dans ce milieu, c'est rare.

Le livre sort. Les critiques sont impressionnés. Les lecteurs aussi. Le romancier est récompensé. Il reçoit le prix Ouest-France, au festival "Etonnants voyageurs", à Saint-Malo. Il écrit dans la revue XXI. Il pourrait publier un autre livre. Pourtant, il s'interrompt. Dans Télérama, Olivier Milot a une explication : Gatore ne veut pas se laisser enfermer dans la position du Rwandais témoignant du génocide. Le jeune homme le dit à sa manière : "il est des nationalités qui pèsent plus que d'autres". Alors il change complètement de voie. Puisqu'il est passé par HEC, il débute une carrière de directeur commercial dans une grande agence de publicité. Il tente aussi de créer sa propre entreprise, sans succès.

Pendant des années, Gilbert Gatore reste officiellement rwandais. En France, il est réfugié politique. Mais en 2010, il bascule. Il demande à être naturalisé : "j'avais passé plus de temps en France qu'au Rwanda", dit-il, "le moment était venu". Le jeune homme remplit les formulaires nécessaires, il passe un entretien. Pourtant, la réponse de l'administration tombe comme un couperet : c'est non.

La raison est financière. En 2010, quand il a tenté de monter son entreprise, Gatore a eu un arriéré d'impôts : 3845 euros. Il a tout remboursé, pénalités comprises. Mais cet incident bloque tout. Aujourd'hui, Gilbert Gatore se retrouve menacé d'expulsion. L'écrivain est sans papiers.

L'article d'Olivier Milot est à consulter ici.

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