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En Espagne, des étudiants dénoncés à la "une"

C'est la première page du quotidien "La Razon", un grand journal conservateur et catholique. Hier matin, il met à la une cinq visages. Les photos de cinq étudiants : Maria José, Tohil, Cristina, Alberto et Beatriz. Sous chaque photo, leur nom, leur âge et leur curriculum vitae sont détaillés. Les portraits apparaissent placardés sur un mur, comme s'il s'agissait d'un avis de recherche. Le titre du quotidien est encore plus clair. Il dénonce ces "mauvais étudiants qui agitent l'éducation".
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Franceinfo (Franceinfo)

Cette histoire, vous la découvrirez sur le blog "L'Espagne désenchantée", sur le site du journal Le Monde. Les étudiants mis en cause ont un point commun : ils sont tous engagés dans la fronde universitaire contre le gouvernement. Ils dénoncent les coupes budgétaires dans l'éducation. "La Razon" déplore ce mouvement. Pour le discréditer, elle détaille le parcours des leaders étudiants. Elle les met en cause personnellement : "certains n'ont toujours pas fini leur cursus au bout de dix ans (...) D'autres sont diplômés mais continuent de représenter les étudiants. Ils touchent même un salaire de l'université".

Hier matin, "La Razon" est à peine sortie de l'imprimerie que les premières réactions inondent les réseaux sociaux. L'indignation est générale. Des internautes dénoncent une délation "honteuse" : "que se passera-t-il si l'un de ces étudiants est agressé ?" En Espagne, en ce moment, la crise économique est terrible. Les tensions sociales sont exacerbées. La méthode du quotidien conservateur est perçue comme une provocation.

D'autres internautes choisissent pourtant d'en rire, en détournant la une de "La Razon". Ca aussi, vous le verrez sur le blog "L'Espagne désenchantée". Au lieu de montrer les visages des cinq étudiants, une fausse page du journal affiche les visages de cinq responsables politiques, avec leurs CV, et donc avec leurs failles. Le premier ministre, Mariano Rajoy, maîtrise mal les langues étrangères. Même le cursus du roi, Juan Carlos, se résume au baccalauréat et à une école militaire. D'autres internautes se moquent de l'incompétence du gouvernement dans le domaine économique. Ils s'en donnent à coeur joie.

Des manifestations sont organisées aujourd'hui dans tout le pays. Des milliers d'étudiants vont encore dénoncer les coupes budgétaires. La une de "La Razon" les encourage à continuer.

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