Au Mali, la chute de Cheik Modibo Diarra, l'astrophysicien devenu Premier ministre
Cheik Modibo Diarra est obligé de partir. Sa mission s'achève.
A la télévision, cette nuit, quand il a annoncé sa démission, il avait les traits tirés, l'air épuisé. Il voulait aider le Mali à remonter la pente. A 60 ans, il a échoué.
Pourtant, il avait vraiment choisi de revenir dans son pays, et de se lancer en politique. Rien ne l'y obligeait. Cheik Modibo Diarra a construit sa vie dans des univers totalement différents, en Europe et aux Etats-Unis. Il grandit d'abord à Segou, près de Bamako. Il est bon élève mais il passe aussi beaucoup de temps dans la rue. Il vend des colliers, il participe aux travaux des champs. Il commence ses études supérieures dans la capitale, mais très vite il part pour Paris. Il découvre l'Ecole centrale et l'université de Jussieu. Il obtient une licence de mathématiques, puis une maîtrise en mécanique des fluides.
Cheik Modibo Diarra est un étudiant à la fois sérieux et fantasque. Dans le Figaro , il y a quelques mois, Tanguy Berthemet et Fabrice Nodé-Langlois racontaient deux anecdotes à son sujet : un jour, le jeune homme doit se présenter à des examens mais il ne vient pas, car il est parti pour un week-end à Rome, en amoureux. Plus tard, il abandonne sa thèse de maths - et sa fiancée - pour aller prier pendant quarante-cinq jours dans le désert mauritanien avec un oncle marabout.
Pourtant, c'est le même homme qui part en 1979 pour les Etats-Unis et qui s'inscrit à l'université Howard de Washington. Sa carrière débute vraiment à ce moment-là. Le jeune Malien passe un diplôme d'ingénierie spatiale et la NASA s'intéresse à lui. Cheik Modibo Diarra intègre le JPL, le Jet Propulsion Laboratory, un laboratoire de l'institut califorien de technologie. Il devient "navigateur interplanétaire". Lui, l'enfant de la campagne malienne, est maintenant au coeur de l'aventure spatiale. Depuis la base de Pasadena, en Californie, il pilote pas moins de cinq vaisseaux, les sondes qui partent vers Mars et vers Vénus.
En 1997, l'astrophysicien réalise un projet qui a un succès immédiat. Alors qu'Internet commence à se développer dans le monde entier, Cheik Modibo Diarra a l'idée de proposer sur la toile, en temps réel, les images du robot Sojourner, qui escalade les cailloux de la planète rouge. Le chercheur a compris comment entretenir le rêve spatial.
En 2002, il quitte la Nasa. Il devient ambassadeur de bonne volonté pour l'ONU, puis président de la première université virtuelle africaine, basée au Kenya. Il diversifie ses activités, prend la tête de Microsoft en Afrique. Puis il décide de tenter sa chance en politique. Peut-il être l'homme providentiel du Mali, lui qui n'a aucune expérience du pouvoir ? Certains l'espèrent, beaucoup en doutent. En avril, en pleine crise, Cheik Modibo Diarra devient Premier ministre. Pendant des mois, alors que le pays continue à sombrer, il essaie de redresser la barre. L'expérience politique s'est arrêtée cette nuit.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.