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Aline Rigaud, une femme en lutte contre le harcèlement sexuel

Cette enseignante a été victime de harcèlement sexuel. L'an dernier, son affaire a fait la une des médias. Aujourd'hui, elle veut faire condamner la France devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
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L'histoire commence en 2009.
Aline Rigaud a quarante ans. Elle est enseignante, veut changer de métier. Elle
se rend à la mairie de Villefranche-sur-Saône. Elle rencontre un des adjoints
au maire. Cet homme est influent. Dans les années 1970, Gérard Ducray a même
été secrétaire d'Etat. Avec Aline Rigaud, il est chaleureux. La jeune femme
obtient un stage à la mairie. Elle est ravie. Mais très vite, elle déchante.
Elle raconte qu'à deux reprises, elle subit de la part de cet élu des gestes
déplacés  - des caresses, une main sur la
cuisse - et qu'elle entend alors cette phrase : "voulez-vous que je vous
aide pour la suite?" Aline Rigaud proteste mais elle est tétanisée. Elle a l'impression d'être une proie. D'ailleurs, elle a choisi ce mot pour le titre
du livre qui paraît cette semaine chez Flammarion : "il a fait de moi sa
proie".

L'enseignante décide de
porter plainte contre l'élu. Pour elle, cela ne fait aucun doute : elle a subi
un harcèlement sexuel, une atteinte à son intimité, et une pression de son
supérieur hiérarchique. Le tribunal correctionnel juge l'affaire. L'adjoint au
maire reconnaît certains gestes mais conteste le harcèlement. Son avocat parle
de comportement séducteur parfois maladroit et inapproprié. Le tribunal donne
raison à l'enseignante. L'élu est condamné. Il fait appel. Et il est condamné
une deuxième fois.

L'ancien secrétaire d'Etat
se tourne alors vers le Conseil constitutionnel. Il ne veut plus seulement
contester les faits. Il veut remettre en cause la loi. Il obtient gain de
cause. Le 4 mai 2012, la loi sur le harcèlement sexuel est censurée. Le Conseil
estime qu'elle n'est pas assez claire et pas assez précise. Cette décision a
une conséquence immédiate : elle efface les procédures menées au nom de cette
loi. Autrement dit, l'adjoint au maire est blanchi. Aux yeux de la loi, Gérard
Ducray est présumé innocent.

Quand Aline Rigaud apprend
cette décision, elle est anéantie. Pour elle, d'abord. Mais aussi pour toutes
les femmes qui sont dans la même situation. Selon l'enseignante, deux mille
victimes se retrouvent face à vide juridique.

La gauche arrive au pouvoir.
Rapidement, elle fait voter une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel. Le
texte est plus sévère que le précédent. Mais il ne peut pas s'appliquer aux
affaires déjà jugées. Pour Aline Rigaud, c'est insupportable. Aujourd'hui,
l'enseignante se donne donc un nouveau but. Elle veut faire condamner la
France. Une requête vient d'être déposée devant la Cour européenne des droits
de l'homme. Aline Rigaud estime qu'elle n'a pas eu droit à un procès équitable.
Elle demande la justice.

 

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