Martine Aubry, tout le monde cherche le loup
C’est la question à laquelle personne ne peut répondre : quel est l’objectif de Martine Aubry ? Car bien sûr, quand Martine Aubry assure qu’elle est uniquement candidate au débat d’idées, ses camarades ont du mal à la croire. Depuis deux ans, la maire de Lille, s’astreignait à une retenue très scrupuleuse. Tout juste une petite pique, susurrée ici ou là, rien de bien méchant.
Chacun comprenait qu’après avoir vertement contesté la candidature de François Hollande lors de la primaire, au point de ne pas vouloir siéger dans son gouvernement, l’ex-première secrétaire ait préféré se replier à Lille. Elle gardait ses réflexions pour elle, mais n’en pensait pas moins. Elle en pensait même tellement, et tellement fort que son aversion pour François Hollande était entendue de tous, et particulièrement des frondeurs.
Un désintéressement difficilement compréhensible
Alors quand Martine Aubry sort bruyamment de sa réserve, on se dit que c’est pour quelque chose. Hé bien, non. C’est juste pour la beauté et la richesse du débat. Martine Aubry ne nourrit aucune ambition politique au gouvernement, au parti ou aucune autre instance de pouvoir. C’est difficile à croire. Mais même ses plus proches amis en attestent. Ils s’en désolent même.
Martine Aubry ne veut pas prendre la tête des frondeurs, d’ailleurs elle récuse cette expression. Elle préfère être considérée comme "une femme de bonne volonté" qui veut aider François Hollande et Manuel Valls à réussir. C’est ce qu’elle a dit à France Inter ce matin, en rectifiant un peu les interprétations faites sur son entrée en opposition à François Hollande. Non, elle ne s’oppose pas à François Hollande.
Si Martine Aubry entretient le flou, c’est qu’il y a un loup
Si on écoute précisément ce que dit Martine Aubry, elle se distingue sur le dosage entre réduction des déficits et croissance, et surtout, elle reproche à François Hollande et Manuel Valls de mal expliquer ce qu’ils font. Par exemple, Martine Aubry défend les rythmes scolaires, mais il aurait fallu l’expliquer différemment, en donnant du sens à cette réforme. Pareil pour les allocations familiales. Il faudrait en faire un tout avec le quotient familial et les modes de garde, plutôt que tout ramener à des économies. La position de Martine Aubry se résume dans cette phrase : "même quand c’est bien fait, ce n’est pas bien présenté".
Ce qui veut dire qu’elle critique la méthode Hollande, son style. Et on se souvient de cette phrase, "quand c’est flou, y’a un loup". Martine Aubry n’a pas redit sa formule, mais elle ne l’a pas oubliée, évidemment. Mais ce n’est plus tout à fait François Hollande sa cible. Ce serait plutôt Manuel Valls, le Premier ministre, jugé unanimement social libéral par les frondeurs. C’est ce que croient comprendre certains responsables de la majorité du parti. Manuel Valls est l’adversaire de Martine Aubry et de toux ceux qui critiquent le gouvernement pour mieux le faire réussir.
Le Congrès précède et fixe les enjeux de 2017
Martine Aubry ne vise pas forcément le poste de Premier ministre, elle a déjà concouru pour la présidentielle. Mais avant la présidentielle, il y a une autre échéance sur la route socialiste avant 2017, c’est le congrès. Il doit choisir et arrêter la ligne politique. La date n’a pas été fixée. C’est un sujet de débat, il pourrait avoir lieu entre début ou fin 2015, voire 2016. Et un congrès, cela ne s’improvise pas.
Martine Aubry a "posé une borne", admet l’un de ses proches, sans vouloir dire vers quelle direction. C’est ce qui reste flou dans la démarche de Martine Aubry. Il y a donc un loup. Un loup aux dents longues, aux yeux des frondeurs, un loup politique qui se préparerait à prendre le relais de François Hollande si d’aventure le chef de l'Etat manquait d’appétit ou de crocs en 2017. Le loup de Martine Aubry pourrait bien s’appeler Manuel Valls.
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