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Henri Proglio et les politiques : une vieille histoire rarement tranquille

Henri Proglio a donc jeté l’éponge. Il ne prendra pas la présidence du conseil d’administration de Thalès. L’ancien patron d’EDF et de Veolia l’a annoncé avec fracas dans les colonnes du journal Le Monde et il en fait une affaire politique. Pas si simple...
Article rédigé par Olivier Bost
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10 min
  (Olivier Bost © RF)

Henri Proglio peut bien se définir avant tout comme un homme d’entreprise, toute sa carrière est émaillée de rapports parfois houleux avec le monde politique. Henri Proglio estime qu’on lui fait payer sa nomination par Nicolas Sarkozy à la tête d’EDF. Et dans le même temps, paradoxalement, il se défend de toute accointance politique. "Je défie quiconque de réussir à me classer politiquement" dit-il au Monde. La vérité, c’est qu’Henri Proglio a autant d’amis mais aussi autant d’ennemis à gauche qu’à droite. Il a d’abord commencé sa carrière à la Générale des Eaux et Il a gravi toutes les marches de cette entreprise jusqu’à la plus haute.

Pour ravir des marchés publics comme ceux de l’eau, il faut savoir composer avec toutes les tendances politiques et cela permet aussi d’avoir un gros réseau. Quand Henri Proglio a quitté Véolia (anciennement la Générale des Eaux) pour EDF, nommé par Nicolas Sarkozy, il avait voulu garder la main sur son ancienne entreprise et aussi une part de sa rémunération. Déjà à l’époque, sous le gouvernement Fillon, les rapports avec le pouvoir pour cette tentative de cumul avaient été très compliqués. Ensuite, cela avait aussi été tendu, toujours avec le gouvernement Fillon, quand Henri Proglio voulait mettre la main sur toute la filière nucléaire française et faire virer Anne Lauvergeon d’Areva. Autant d’épisode qui prouvent que l’homme a toujours eu des rapports parfois très musclés avec les différents pouvoirs.

 

Non renouvelé à EDF, Henri Proglio devait présider le conseil d’administration de Thalès

Persuadé qu’il allait rester à la tête de l’électricien EDF, il avait été reçu par Emmanuel Macron, décidemment sa bête noire, pour lui annoncer la veille de la fin de son mandat son éviction. Henri Proglio l’avait alors très mal pris et s’était senti humilié. Proche de la famille Dassault, il devait revenir à la présidence du conseil d’administration de Thalès. Cela faisait 6 mois que c’était en préparation. Thalès, qui fabrique du matériel militaire, est détenu à part quasi égal par l’Etat et par Dassault. Et revoilà donc que le politique s’en mêle.

Henri Proglio assure qu’il avait l’accord et l’engagement de François Hollande, de Manuel Valls et de Jean-Yves le Drian, le ministre de la défense, pour la présidence de Thalès. Mais dans un jeu subtil, Bercy, c’est-à-dire Emmanuel Macron, lui demandait d’abandonner ses activités de conseil auprès des russes, notamment dans le domaine du nucléaire. Un domaine sensible où la France, avec Areva et EDF, est à la peine en ce moment sur le plan mondial. Henri Proglio parle dans le journal Le Monde d’une "campagne contre lui […] il faut arrêter de me prendre pour un guignol, un espion, un goinfre, un traître" a-t-il confié au journal. Ça fait beaucoup pour un seul homme.

Emmanuel Macron s’est aussitôt défendu d’avoir manœuvré contre Proglio et , lui aussi, assure avoir l’accord et le soutien du chef de l’état. Le ministre de l’économie s’est montré aussi têtu et obtus qu’Henri Proglio et il maintient qu’il y avait bien, à ses yeux, conflit d’intérêt. Ce n’est pas la première fois donc qu’Henri Proglio était engagé dans un bras de fer avec le pouvoir en place. Cette fois-ci, il l’a perdu.

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