Gouverner et se réformer : le PS doit faire deux choses à la fois
Si l’on se fie à la semaine qui vient de s’écouler, cela paraît bien difficile. Quand Martine Aubry prétend participer au débat d’idée, sa démarche, deux jours avant le vote du budget donne des ailes aux frondeurs. Elle sonne la charge contre les libéraux du PS. Manuel Valls en ligne de mire.
Quand Manuel Valls appelle les forces progressistes à se dépasser, à en finir avec la gauche passéiste, son propos heurte la gauche du PS. Il sonne la charge contre les anciens, Martine Aubry en ligne de mire. Claude Bartolone, le président de l’Assemblée, et Jean-Christophe Cambadelis, le premier secrétaire, en appellent au cessez-le-feu ce jeudi matin.
Un débat indispensable mais évité depuis vingt ans
Jean-Christophe Cambadélis, le chef du parti a indirectement lancé cette bataille, avec l’organisation des Etats Généraux du PS. Leur principe : une large consultation des militants pour re-formuler la carte d’identité du parti. En un mot : dire à quoi correspond le PS aujourd'hui, quel est son but et sa nature. C’est un gros débat, qui incite forcément à lister les divergences, et à souligner les divisions.
Le PS n’a jamais vraiment débattu à fond de ces questions depuis la fin des années 90. En 1993, déjà, il avait organisé des Etats généraux pour analyser sa défaite, et évaluer sa pratique du pouvoir. La déroute avait été sévère aux législatives, il restait moins de 60 députés PS à l’Assemblée. L’exercice avait été douloureux. François Mitterrand, resté seul à l’Élysée face au gouvernement Chirac, avait été sévèrement critiqué pour sa pratique monarchique du pouvoir. Les militants, dont les propos étaient rapportés par un jeune socialiste, un certain Manuel Valls, avaient dénoncé le "gang des R 25" (du nom des voitures officielles) pour évoquer des dirigeants coupés de la base.
Lionel Jospin avait ensuite lancé, avec un certain Jean-Christophe Cambadélis, un processus de réflexion avec les autres partis de gauche, menant à la gauche plurielle. Quatre ans plus tard, à la faveur d’une dissolution hasardeuse, le PS revenait au pouvoir, sous le régime de la cohabitation.
Le précédent de 1993 n’est pas transposable
L’histoire ne se répète jamais. Le contexte n’est pas le même. Lors des Etats généraux de 1993, le PS était dans l’opposition.
Aujourd'hui, il est au pouvoir. A l’Elysée, siégeait un monarque en fin de mandat. Cela faisait 12 ans que François Mitterrand régnait sur l’Élysée.
Aujourd'hui, le style a changé et François Hollande n’exerce le pouvoir présidentiel que depuis deux ans et demi. Depuis ces états généraux, le PS n’a jamais renouvelé l’exercice. La cohabitation avec un président RPR, sans crise économique grave, a permis à Lionel Jospin d’imposer sa méthode et sa ligne politique à gauche. Persuadé de l’emporter en 2002, le PS n’a pas revu son logiciel. Pas plus qu’en 2007, avec le phénomène Ségolène Royal, pas plus qu’après sa défaite, persuadé que son tour viendrait en 2012. C’est ce qui est arrivé, avec la victoire de François Hollande, issu d’une primaire qui aurait du départager les différentes lignes politiques.
La primaire de 2012 n’a pas tranché sur les idées
La primaire a consacré des hommes et des femmes, pas des courants de pensée. Aujourd'hui le PS sent bien qu’il doit clarifier sa ligne politique. Deux attitudes s’opposent. Celles de Manuel Valls, qui est Premier ministre, et estime que le PS doit assumer le pragmatisme qu’il est contraint de pratiquer au pouvoir. Celle des frondeurs, encouragés par la sortie de Martine Aubry. Renforcés par les anciens ministres Benoît Hamon, ou Aurélie Filipetti, qui se sentent désormais plus à l’aise en dehors du pouvoir, pour réclamer une réorientation plus à gauche.
Pour la première fois, le PS va devoir revisiter et reformuler sa raison d’être, un sujet qui réclame de l’introspection, tout en exerçant le pouvoir, un posture très extravertie. Le PS doit effectuer deux choses contradictoires en même temps. C’est très difficile, mais s’il n’y parvient pas, il ne remettrait sans doute pas de cet échec.
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