Florange : l'effet boomerang
Les syndicats en sont persuadés, mais le gouvernement pense n'être
qu'au début du bras de fer qu'il est décidé à mener.
L'annonce de la commission européenne n'a pas surpris le pouvoir.
Lakshmi Mittal ne l'avait pas caché, lors de ses entretiens
en France, le patron indien n'était plus vraiment convaincu par ce programme de
recherche pour la fabrication d'acier moins polluante. Le projet avait pris du
retard, et il était dépassé technologiquement à ses yeux.
Pour le gouvernement, le retrait de l'appel d'offfre confirme ce
point de vue. ArcelorMittal ne sollicite plus de subventions européennes sur ce
projet, mais cela ne veut pas dire qu'il l'abandonne. Le projet ULCOS 1 est mort,
il peut toujours y avoir un UCOS 2, c'est même prévu. Pour le pouvoir, cette annonce ne contredit pas l'engagement
du patron indien sur le fait qu'il n'y aura pas de plan social à Florange.
Cette annonce ne
bloquerait rien, donc, mais elle n'est quand même pas encourageante.
Non, bien sûr, c'est quand même un signal fort. Lakshmi Mittal a signé un accord, et il fera tout pour y
perdre le moins d'argent possible. La moindre faille de ce document sera
exploitée, comme il l'a toujours fait. A ceux qui lui reprochent de ne pas tenir ses promesses, le patron
indien sort le document qu'il a signé avec le précédent gouvernement. Ses engagements
étaient liés à la conjoncture économique, or, aujourd'hui, personne ne le
conteste, la conjoncture s'est aggravée, et Mittal se considère délié de ses promesses.
C'est pourquoi le gouvernement brandit comme une grande
victoire le fait que dans le document qu'il a paraphé, il n'y a pas de
conditions de ce genre. La suite est affaire de rapport de force. Celui du pouvoir politique
contre celui du pouvoir économique.
Une bataille perdue d'avance,
pour les salariés de Florange, et une certaine partie de la gauche.
Deux logiques politiques s'opposent sur ce dossier. Celle de François Hollande et de son Premier ministre, Jean-Marc
Ayrault, face à celle des salariés et de la gauche du PS. Pour le pouvoir hollandais, la négociation, patiente et
serrée permet d'obtenir des résultats. Pour d'autres, négocier avec Lakshmi Mittal relève de l'illusion.
Ceux-là prônent la manière forte, l'expropriation, ou la nationalisation. La menace d'une nationalisation temporaire a bien été
brandie par un ministre. Arnaud Montebourg s'est engagé de façon tellement
sincère sur cette voie, qu'il a amené Lakshmi Mittal à bouger, à signer cet
accord.
Mais au sein même de la majorité, cette nationalisation
était jugée impossible. Les obligations juridiques étaient telles que les hauts
fourneaux auraient été fermés bien avant qu'elle aboutisse.
La nationalisation a pu ne constituer qu'une menace,
nécessaire et utile pour établir un rapport de force. Mais la médaille présente
son revers, elle a ouvert les vannes aux tenants d'une méthode plus radicale. La gauche du PS dénonce un revirement qui relance à ses yeux
la solution de la nationalisation et réclame un bureau national exceptionnel. Autant dire que le dossier pourrait raviver des plaies
internes au PS, tandis que sur le plan extérieur, les salariés se disent trahis
par le gouvernement. Le plus grave étant la façon dont les salariés interprètent
cette trahison. Ils pourraient juger le gouvernement naïf. Au lieu de cela,
ils dénoncent son cynisme. Ce qui veut dire qu'ils
ne le croient pas sincère.
Et cela, quand on cherche à renouer le fil de la confiance
avec le citoyen, c'est un sérieux handicap.
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