Europe, la stratégie du profil bas
Cela s'appelle un compromis, et
cela correspond bien à la méthode Hollande, autant qu'à la personnalité d'Angela
Merkel, vue de l'Elysée. La chancelière allemande aime
procéder par étapes. Elle place donc la barre très haut, au départ, avec une
position très éloignée de celle de la France, et peut finir par se rapprocher,
à petits pas discrets. C'est un peu ce qui s'est passé
sur l'union bancaire. Angela Merkel ne voulait pas en
entendre parler, et encore moins concernant les banques allemandes.François Hollande y tenait. Les points de vue paraissaient
irréconciliables.
Et finalement, l'idée fait son chemin, mais très lentement.
L'idée progresse de façon
concrète. C'est ce que veut retenir François Hollande. En juin dernier, le sommet européen
consacrait une intention : la supervision bancaire était envisagée.
Un vœu pieu glosait ceux qui
moquent l'inexpérience ou la naïveté de François Hollande en matière
européenne.
Mais le président français, lui,
savoure l'issue de ce dernier sommet. L'union bancaire n'est plus envisagée,
elle est décidée, se réjouit François Hollande. Le dispositif législatif sera
prêt en janvier. La supervision de toutes les banques européennes, y compris en
Allemagne, est sur les rails. François Hollande pourrait crier
victoire, se gargariser de ce premier pas, dire qu'il a obligé l'Allemagne à
céder un peu... or, il ne le fait pas.
Au contraire, il prédit de nouvelles nuits blanches à Bruxelles, lors
du prochain sommet qui va parler financement.
Cela fait partie de sa méthode. La
stratégie de celui que l'on ne voit pas venir. Engranger des points, sans
éveiller la méfiance de l'adversaire. Imaginez un compromis comparable
sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Le président lui-même aurait
sans doute vanté sa réussite, mais surtout, les responsables UMP auront
multiplié les communiqués saluant cette négociation. Sous la présidence Hollande, les
boites mails des députés de la majorité demeurent inactives. Le sommet de
Bruxelles laisse les parlementaires de gauche de marbre.
Remarquez, les parlementaires de
l'opposition aussi.
C'est vrai. Et les tribunes étaient assez
clairsemées à l'Assemblée, lors du débat précédent ce sommet. Alors que l'Union Européenne
vient de recevoir le prix Nobel de la Paix, elle ne pénètre toujours pas la vie
politique française au quotidien. François Hollande et Angela
Merkel pourraient assister ensemble à cette cérémonie, en décembre, à condition
que le cas grec ait bien évolué. Mais à quoi bon se gargariser d'un
Nobel, si les progrès européens, insuffisants ou pas, suscitent avant tout l'indifférence
des responsables politiques français. Ce n'était pas le cas avec le
couple Sarkozy Merkel. D'une part parce que l'Europe était brusquement
confrontée à l'émergence brutale d'une crise sans précédent. D'autre part parce
que l'action politique européenne était rythmée par des sommets tout aussi
rudes, comme lorsqu'il s'est agi de mettre les responsables grecs au piquet.
Le tempo européen correspondait
au tempo binaire de la vie politique française, où tout tourne autour de la
dispute pour/contre. Aujourd'hui, la crise s'installe,
sans à coup. Les sommets actent des compromis, où chacun gagne et perd à la
fois. L'Europe est en train de changer
de culture. Elle se tourne davantage vers les concessions réciproques,
contrairement à la vie politique hexagonale, qui reste ancrée au clivage majorité
opposition.
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