Valls embarrassé par la question basque
Ils seront des milliers dans les rues de Bayonne la semaine prochaine. Des milliers
à réclamer la création d'un superdépartement basque, doté de très nombreuses
compétences. Et l'on aurait tort de ne pas y prêter attention car cette
revendication a aujourd'hui largement débordé les rangs indépendantistes. On trouvera dans les défilés des membres de
l'UMP qui s'étaient pourtant toujours opposés à cette idée ; des élus
socialistes qui critiquent leur propre gouvernement ; des chefs
d'entreprise côte à côte avec des syndicalistes, des responsables associatifs
et, bien sûr, de simples citoyens. Tous demanderont que l'on profite de la
réforme de la décentralisation en cours pour créer cette collectivité que les
Basques réclament depuis la
Révolution française, au moment où ils ont été mêlés aux Béarnais
au sein du département des Pyrénées-Atlantiques.
S'il fallait résumer la question en une phrase, on pourrait dire ceci : sur le fond, la demande des Basques est justifiée,
mais politiquement, elle a peu de chances d'aboutir. Voici pourquoi.
Longtemps,
deux obstacles ont empêché les Basques d'obtenir leur département. Paris leur disait : rien ne
sera possible tant que les terroristes d'ETA commettront des attentats et tant
que les élus locaux seront divisés sur le sujet. Or, en 2011, ETA a annoncé un
" arrêt définitif " de son activité armée et depuis, pas une seule
explosion n'a retenti Outre-Pyrénées. Mieux : tous les spécialistes considérent
qu'il ne s'agit pas d'une trêve, mais d'une rupture historique. Quant aux élus,
on l'a dit, tous ou presque sont désormais favorables à cette idée.
La demande des Basques est d'autant plus justifiée
qu'ils disposent d'une identité particulière, fondée notamment sur une langue
très originale. Au fond, à travers ce superdépartement, c'est d'abord cette
identité qu'il veulent voir reconnue. Au même titre que les Alsaciens, les
Bretons ou les Corses, qui, eux, disposent de collectivités locales
spécifiques.
Et pourtant, cela coince. L'Etat
met notamment en avant le risque d'une dérive indépendantiste. Créer un
département basque serait selon lui mettre le doigt dans un engrenage qui, à
terme, pourrait déboucher sur l'unification des Pays basques français et
espagnol. " Tout cela est dangereux pour l'unité de notre pays", a
ainsi déclaré sur Canal + le ministre de l'intérieur, Manuel Valls.
Il faut pourtant dire les choses comme
elles sont. Cet
argument est caricatural. Non seulement il confond demande d'autonomie
(à
l'intérieur d'un Etat) et indépendance (à l'extérieur). Mais surtout, il
feint d'ignorer que l'idée d'indépendance est hyper minoritaire au Pays
basque : personne ou presque ne la réclame ! Au contraire : créer un département reviendrait à installer à Bayonne un
préfet, donc un représentant supplémentaire de l'Etat. On est vraiment à
l'opposé de l'indépendance.
Comme on ne fera pas l'injure de penser que le ministre de
l'intérieur est mal informé et encore moins stupide, les raisons de son
opposition sont à chercher ailleurs. Pesonnellement, j'en vois trois.
La
première, la plus mesquine, relève du pur calcul politique. Manuel Valls tient
des propos caricaturaux sur le dossier basque parce cela lui permet de
conforter son image d'homme à poigne. Le risque pour lui est d'autant plus
faible que les Français le connaissent mal et ne lui en tiendront donc pas
rigueur.
La seconde, plus sérieuse, est qu'au sein de l'Union
européenne, François Hollande a besoin de l'Espagne pour faire pression sur
l'Allemagne. Dans ces conditions, pas question de fâcher Madrid en donnant
l'impression de faire des concessions sur le dossier basque.
La troisième est peut-être la plus fondamentale car
elle ne dépend pas des circonstances. Si la
force de l'identité basque est, de fait, le meilleur argument des défenseurs du
superdépartement, elle est aussi, paradoxalement, leur plus grande faiblesse
car elle fait peur à l'Etat. Il
faut rappeler en effet que notre pays est culturellement et ethniquement disparate _ il
n'y avait guère de raison qu'un jour, des Alsaciens se retrouvent avec des
Corses, des Catalans et des Bretons au sein de la même nation. Pour cette
raison, Paris a toujours veillé à contrôler les régions à la personnalité trop
affirmée et à dévaloriser leur culture. Créer une collectivité sur une base identitaire
est donc fondamentalement contraire et à sa philosophie et surtout à ses intérêts
Conclusion ? Il faudrait
vraiment que les Basques soient vraiment très nombreux samedi prochain pour retourner
la situation à leur avantage
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