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Dans le cerveau d'un joueur pathologique

Pourquoi certains adeptes des jeux de hasard basculent-ils dans l'addiction ? Des scientifiques s'intéressent au fonctionnement du cerveau des joueurs pathologiques.
Article rédigé par franceinfo
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Une à deux personnes sur 100 dans la population générale, confrontées à des jeux d'argent, développeraient une véritable dépendance, particulièrement dommageable pour la vie sociale. Ce comportement est aujourd'hui associé à une pathologie, répertoriée comme telle dans le DSM (le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Selon cette classification qui fait référence, il s'agit d'une addiction comportementale.

Les zones du cerveau responsables

De la même manière que l'addiction à une drogue, l'addiction au jeu implique ce que les scientifiques appellent "le système de récompense". Un ensemble de structures cérébrales qui est activé lorsque nous éprouvons du plaisir. Ces récompenses sont dites primaires, elles sont intrinsèquement liées à la survie de notre espèce. Mais des choses plus abstraites comme un compliment ou encore un gain d'argent peuvent également activer ce système de récompense dans notre tête. On parle de récompenses secondaires. Dans un cerveau sain, récompenses primaires et secondaire n'activent pas rigoureusement les mêmes régions dans le système de récompense.

Dans le cerveau d'un joueur pathologique

Guillaume Sescousse et ses collègues de l'Université Lyon 1, ont fait passé un test à une vingtaine de joueurs pathologiques et à une vingtaine de personnes qui ne présentaient pas d'addiction au jeu. Ils leur ont proposé une sorte de jeu de rapidité dans lequel ils pouvaient gagner deux types de récompenses : de l'argent ou des images érotiques.

Dans ce test les participants devaient appuyer le plus rapidement possible sur un bouton. Dans certains cas apparaissait une image érotique dans d'autres une image d'argent correspondant à de réels gains (quelques dizaines d'euros) qui leur étaient remis au terme du test. Grâce à ce dispositif les chercheurs ont pu mesurer la motivation des joueurs, ou le plaisir suscité par le gain en jeu, en chronométrant la vitesse avec laquelle les participants appuyaient sur le bouton pour obtenir la récompense. Parallèlement, l'activité cérébrale des volontaires était analysée par IRM fonctionnelle.

Les résultats

Les participants qui ne présentaient aucune addiction au jeu ont fait preuve de la même motivation quelque soit le gain en jeu. Que la récompense soit monétaire ou érotique ils ont appuyé sur le bouton avec la même vélocité.

Les joueurs pathologiques ont appuyé en moyenne moins rapidement sur le bouton lorsqu'il s'agissait de faire apparaitre une image érotique que lorsqu'il s'agissait de gagner de l'argent.

Les analyses cérébrales ont montré que chez les joueurs pathologiques une zone clé du cerveau impliquée dans le système de récompense était sous activée par le gain érotique.

Conclusion : chez les joueurs pathologiques ce n'est pas la sensibilité aux gains d'argent qui est exacerbée mais c'est la sensibilité aux autres types de récompense telle que le sexe qui est amoindrie. Un peu comme si le manque d'intérêt pour des plaisirs comme le sexe ou la nourriture poussait ces personnes à chercher d'autres plaisirs ailleurs, en l'occurrence dans le jeu.

Autre découverte faite par ces scientifiques grâce à l'IRM fonctionnelle : dans le cerveau des joueurs pathologiques, l'argent active des zones cérébrales qui sont normalement activées par des récompenses primaires comme le sexe ou la nourriture. Chez ces personnes tout se passe comme si l'argent prenait la place de ce qui suscite immédiatement du bien-être chez les personnes saines.

Pour aller plus loin

Guillaume Sescousse présentera, en compagnie de Romain Ligneul également neuroscientifique, une conférence intitulée Dans le cerveau d'un joueur , mardi 28 janvier à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris, à 19h. L'accès est gratuit.

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