Comprendre l'apparition du langage
L'apparition du langage intéresse les chercheurs de nombreuses disciplines des linguistes bien sûr, mais aussi des neurologues, des archéologues, des généticiens. Depuis une vingtaine d'années des scientifiques font appel à l'informatique et à la robotique pour tenter d'apporter de nouveaux éléments de réponses. Pierre-Yves Oudeyer, directeur de recherche à l'INRIA, fait partie de ces scientifiques et il vient de publier chez Odile Jacob un ouvrage très éclairant sur la question, intitulé Aux sources de la parole .
Les expériences
Des chercheurs ont construit des robots capables d'émettre et de percevoir des sons. Ces robots possèdent l'équivalent d'un système nerveux très simplifié leur permettant de relier les sons qu'ils produisent à ceux qu'ils entendent. Si on active l'un de ces robots il va se mettre à produire des sons totalement aléatoirement tout en s'écoutant lui même. Il effectue une sorte de babillage.
Ce qui devient très intéressant c'est d'observer ce qui se passe lorsque l'on met en présence plusieurs de ces petits robots, sachant que chaque machine est programmée pour intégrer de temps en temps dans son propre babillage certains sons appartenant au babillage du voisin.
Les résultats
Au début de l'expérience vous avez un groupe de robots qui sont tous en train d'émettre aléatoirement du son tout en s'influençant légèrement les uns les autres.
Au bout d'un certains temps les robots accordent en quelques sortes leurs violons et se mettent à produire un nombre de sons définis. De l'émission aléatoire de son naît une production organisée.
Dans les tous premiers échanges sonores de ces robots, dès qu'un son est (par hasard) émis un peu plus que les autres, il est amplifié par la communauté de robots qui se met à le répéter de plus en plus. S'il on refait l'expérience une deuxième fois les robots s'accordent sur un autre groupe de son.
En répétant cette expérience un grand nombre de fois, les scientifiques ont pu établir des statistiques. Ils se sont rendus compte par exemple que la plus part du temps les robots s'accordent sur un groupe de son comportant cinq voyelles. C'est aussi le cas pour les langues parlées dans le monde. La plus part des langues humaines comportent cinq voyelles.
Un système vocal
Les chercheurs ne parlent pas de langage mais de système de vocalisation. Mais un tel système semble un préalable nécessaire à la construction d'un langage.
D'autres expériences ont été réalisées un peu sur le même principe avec un groupe d'individus artificiels qui en interagissant entre eux ont associé des mots à des sens. On observe que progressivement, là encore, toute la communauté d'individus artificiels s'accorde sur un même lexique. On s'approche déjà plus de la notion de langage.
Dans ce type d'expérience ce qui intéressent les scientifiques c'est de voir comment d'un système désorganisé, peut émerger dans le premier cas un système de vocalisation structuré, dans le deuxième cas un lexique, sans qu'aucun des membres du groupe qui a contribué à l'établir n'ait eu la volonté de le mettre en place, ni même conscience de construire quelques chose.
L'apparition du langage pourrait reposer sur des processus similaires d'auto-organisation. Avec l'aide de la robotique et de l'informatique, les chercheurs tentent de mettre en évidence cette part d'auto-organisation dans la structuration et l'émergence de la parole. C'est une approche nouvelle qui ne s'oppose pas à celles des autres disciplines mais qui vient les compléter.
VOIR TOUTES LES VIDEOS INFO SCIENCES
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.