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Un traitement contre l'addiction au cannabis

Les cas d'addiction au cannabis sont en nette hausse. Il y aurait désormais 20 millions de personnes dépendantes au cannabis dans le monde. En France, on estime que 40 % des jeunes de 15 à 16 ans ont déjà testé au moins une fois cette drogue. Pier Vincenzo Piazza et son équipe de l'Inserm à Bordeaux ont découvert une molécule capable de traiter l'addiction au cannabis.
Article rédigé par franceinfo
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Le cannabis est devenu le premier motif de consultation dans
les centres spécialisés contre l'addiction. Pour le moment, afin de lutter contre
cette dépendance, on ne propose que des thérapies car il n'existe aucun
médicament spécifique.

Pour la première fois, une équipe française pense avoir découvert une molécule capable de contrer certains effets du cannabis. Des
effets qui sont précisément à l'origine de l'échec d'un grand nombre de
thérapies : les troubles de la mémoire et le manque de motivation.

Ces deux obstacles majeurs pour la prise en charge de la
dépendance pourraient être contournés grâce à l'action de la molécule
découverte par Pier Vincenzo Piazza et son équipe de l'Inserm à Bordeaux.

Un traitement basé sur la prégnénolone

Cette molécule est une hormone produite naturellement par le
cerveau. Aux Etats-Unis, elle est en vente libre soi-disant pour lutter
contre les effets du vieillissement en dopant la production d'hormones. Des
effets qui ne sont pas encore démontrés mais qui s'appuient sur une observation
biologique : une fois ingérée, la prégnénolone sert de base à la
fabrication de toutes les hormones stéroïdiennes comme la progestérone ou la
testostérone.

Jusqu'à présent, la prégnénolone était considérée comme une
molécule inactive, dont la transformation permettait simplement la synthèse
d'autres hormones. Mais des chercheurs de l'Inserm ont découvert un mécanisme inédit :
la prégnénolone combat l'emprise du cannabis en se fixant sur les
récepteurs qui servent normalement de point d'ancrage à la drogue.

Une régulation naturelle bouleversée

L'hormone anti-cannabis est destinée à la base à contrer
les effets d'autres molécules naturellement présentes dans le cerveau. Des
molécules tellement proches du cannabis qu'on les appelle les cannabinoïdes
naturels.

En temps normal, ils sont produits par le cerveau et se
fixent sur les neurones pour réguler, par exemple, l'appétit ou la sensation de
plaisir. C'est précisément pour éviter l'emballement de ces cannabinoïdes que
nous avons développé une régulation naturelle.

Mais si cette protection est efficace dans une situation
classique, elle semble dépassée lorsque le cerveau est saturé par des quantités
importantes et répétées de cannabis.

D'où l'idée des chercheurs de l'Inserm : injecter directement
de la prégnénolone dans le cerveau pour l'aider à combattre les effets de la
drogue.

Prudence

Des injections d'hormones dans le cerveau des humains,
personne ne l'envisage car c'est trop dangereux. La prise de pilules est peu
probable parce que l'hormone n'arriverait pas jusqu'aux neurones. Pour
contourner ce problème, les chercheurs de Bordeaux ont mis au point des dérivés
de la prégnénolone qui, en principe, peuvent atteindre le cerveau sans encombre
et y jouer leur rôle de médicaments.

Les premiers tests

Les premiers tests devraient avoir lieu d'ici un an et demi et,
si tout se passe bien, dans cinq à six ans, on pourrait voir arriver les premiers patchs
ou pilules anti-cannabis à prendre pour faciliter une thérapie, qui selon les
chercheurs reste un pilier de la désintoxication.

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