Un documentaire au coeur d'un jury d'assises
Chose assez rare, la réalisatrice Sarah Lebas a eu l'autorisation de suivre des jurés du
début à la fin d'un procès. Au tribunal d'Epinal, un homme est accusé d'avoir tenté de tuer son ex-compagne, dans des circonstances particulièrement atroces. Neuf citoyens - boulanger, mère au foyer, médecin - sont désignés pour le juger. Certains d'entre eux n'étaient jamais entrés dans un tribunal, d'autres avaient de la justice une idée faussée par les séries américaines. "Ils sont propulsés dans le procès" explique Sarah Lebas. "Pendant une demi-journée, on leur explique comment ça fonctionne, mais ils apprennent en fait sur le tas. Certains entrent naturellement dans la peau du juge, d'autres ne sentent jamais légitimes."
"Plus j'y repense, plus j'ai la boule au ventre"
Ce sentiment de manquer de légitimité pour juger son prochain ne disparaît pas avec le verdict, bien au contraire. La réalisatrice a rencontré quatre anciens jurés, amenés à livrer leur "intime conviction" au cours des cinq années. Il est assez frappant de constater que deux d'entre eux regrettent aujourd'hui d'avoir donné une peine trop lourde à l'accusé. Un troisième fait lui un constat plus terrible encore : "J'ai reconnu coupables des gens dont je n'étais pas sûr qu'ils soient coupables" raconte cet homme. "Il y a eu une parole que j'ai cru plus qu'une autre, c'est tout. Plus j'y repense, plus j'ai la boule au ventre".
A partir de ces témoignages, on s'interroge sur le bien-fondé de ce système : est-ce une bonne chose de demander à des citoyens lambda qui ne sont pas préparés, qui ne sont pas armés contre leurs propres émotions, d'infliger 30 ans de prison à quelqu'un ? Le documentaire n'apporte aucune réponse mais il permet d'ouvrir le débat avec beaucoup d'intelligence. "Le jour où j'ai été juré d'assises", c'est ce soir à 22h20 sur France 2.
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