Les journalistes tués en Syrie ont-ils été délibérément visés ?
Contrairement au journaliste de France 2, Rémi Ochlik et Marie Colvin étaient entrés clandestinement en Syrie. Ils s'étaient installés avec les autres reporters étrangers dans un immeuble qui fait office de centre de presse. L'immeuble a été bombardé, tuant au total 15 personnes. Plusieurs reporters ont aussi été blessés, dont la Française Edith Bouvier, qui travaille pour le Figaro. Comme pour la mort de Gilles Jacquier, les circonstances comportent une part d'ombre : les journalistes ont-ils été visés intentionnellement ? Reporters sans frontières ne cache pas ses doutes. "L'armée syrienne connaissait très bien la localisation de cet immeuble" note Soazig Dollet, c'est la responsable Moyen-Orient de RSF. "Pas moins de onze obus auraient touché le bâtiment et ses environs ce matin" .
Les deux journalistes étaient des habitués des terrains de guerre. A seulement 28 ans, Rémi Ochlik avait déjà couvert plusieurs conflits. Il n'avait que 20 ans quand il est parti en Haïti pour son premier photoreportage. Après avoir fondé sa propre agence, il vendait ses photos à Paris Match, à Time Magazine ou encore au Wall Street Journal, et il commençait à avoir une solide réputation. Sa couverture du conflit libyen lui avait valu un prix du prestigieux World Press Photo et le festival Scoop lui avait décerné son grand prix en décembre dernier. "Il nous a présenté des photos sur la place Tahrir, la révolution de Jasmin et sur la Libye" se souvient le directeur du festival, Alain Lebouc. "On a voulu récompenser l'ensemble de son oeuvre, car il avait une approche exceptionnelle" .
Marie Colvin, elle, était encore plus expérimentée. La reporter américaine, âgée de 55 ans, travaillaitdepuis de nombreuses années pour le Sunday Times. En 2001, elle avait été victime d'un attentat au Sri-Lanka, dans lequel elle avait perdu un oeil. Malgré son expérience, la journaliste semblait très choquée par la situation en Syrie, comme en témoigne son reportage réalisé hier pour la BBC.
Et désormais, la question se pose dans certaines rédactions : faut-il encore envoyer des journalistes en Syrie ? Aucune interdiction n'a été faite, Reporters sans frontières n'a pas déconseillé aux rédactions d'envoyer de journalistes sur place, mais beaucoup de rédactions s'interrogent. "On se pose des questions" reconnaît Caroline Mangès, rédactrice en chef à Paris Match. Tout en assurant que la présence des journalistes est essentielle. "On espère que d'autres auront le courage d'y aller. Mais ce sera de plus en plus difficile" .
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