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Gérard Miller, co-réalisateur du documentaire "La révolution Dolto" : "Françoise Dolto a contribué à changer notre façon d’être avec les enfants"

Le psychanalyste Gérard Miller était aujourd'hui l'invité de Célyne Baÿt-Darcourt dans "Infos médias" à l'occasion de la diffusion de "La révolution Dolto" mercredi soir sur France 3. Le documentaire dresse le portrait de la pédiatre et psychanalyste qui a influencé la manière de communiquer avec les enfants.

Article rédigé par franceinfo, Célyne Baÿt-Darcourt
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Gérard Miller, co-réalisateur du documentaire "La révolution Dolto" sur France 3. (JEAN-CHRISTOPHE BOURDILLAT / RADIO FRANCE)

Nous savons à quel point il est essentiel de communiquer avec ses enfants et ce, dès leur plus jeune âge. Il était pourtant impensable de le faire il y a à peine un siècle : cette année marque le trentième anniversaire de la disparition de Françoise Dolto. C’est à cette occasion que sera diffusé La Révolution Dolto, réalisé par Gérard Miller et Anaïs Feuillette. Le documentaire se propose de revenir sur le parcours de cette psychanalyste des enfants. On y découvre qui était cette femme et comment elle a changé le regard des enfants et de quelle manière elle influence, aujourd’hui encore, notre rôle de parent. Françoise Dolto peut, selon notre invité du jour, être considérée comme "une héroïne de notre histoire nationale", tant elle a, au même titre que Simone Veil ou Marie Curie, su faire évoluer les mentalités. 

"Parler aux enfants était inutile avant Dolto"

"On ne mesure pas à quel point elle a contribué à changer notre façon d’être avec les enfants, y compris pour tous ceux qui ne l’ont pas lue ni écoutée", fait remarquer Gérard Miller. Ainsi, notre comportement envers les plus jeunes d’entre nous aurait été théorisé, expliqué par Françoise Dolto : "Aujourd’hui, si vous voyez une mère en train de parler avec son bébé, vous ne pensez pas qu’elle est folle. Mais avant Dolto, on pensait que parler aux bébés, et même aux enfants qui sont pourtant capables de vous répondre, était absolument inutile", explique-t-il.

Les enfants étaient, pour la majorité des adultes, des êtres auxquels il n’était pas nécessaire de parler ou d’expliquer les choses jusqu’à un certain âge, compte tenu de leurs capacités cognitives alors sous-estimées. Françoise Dolto a su sensibiliser l’immense majorité de la société française sur la capacité de l’enfant à être un sujet à part entière.

D'un état de sujétion à celui de de liberté totale

Née en 1908, celle qui applique la psychanalyse à l'enfance a elle-même souffert de ce mutisme que l’on réservait aux plus petits. Fille d’une famille bourgeoise catholique réactionnaire, l'avenir de Françoise Dolto ne pouvait pas se différencier de celui des femmes de l’époque : ne pas faire d’études, se marier et faire des enfants. "C'est parce qu'elle n'a pas supporté de souffrir qu'elle a envisagé la carrière de psychanalyste", rapporte Gérard Miller.

Après s'être pliée à la volonté de ses parents jusqu’à 25 ans, Françoise Dolto entame une psychanalyse. Gérard Miller a retrouvé un échange entre le journaliste Bernard Pivot et la pédiatre : "Je me pose une question : vous passez d’un état de sujétion totale et puis d’un seul coup vous basculez, à 24 ans, dans un état de liberté totale car faire une analyse à cette époque-là, à l’âge de 24 ans, c’est quelque chose d’inouï !", s’étonne Gérard Miller. "C'est comme le foetus qui naît, ce pauvre petit passe d'un coup de l'enfermement complet à la liberté de gigoter", lui répond-t-elle.

"Elle a réussi à prolonger l’œuvre de Freud, à s’intéresser directement aux enfants, à grande échelle" à une époque d’après-guerre où l’on commence enfin à s’intéresser à eux. "On a voulu, avec Anaïs Feuillette, montrer la France avant Dolto. Saviez-vous qu’il y avait des bagnes réservés aux enfants ? Des prisons ! On les traitait comme des forçats !", s’indigne Gérard Miller.

Mais il nuance : "La France était tout de même prête dans les années 1950. C’est le moment où l’on s’occupe des droits de l’enfant, où l’on a affaire aux premiers juges pour enfants, où l’on interdit les bagnes." La "Zinzin", comme on l’a longtemps appelée, a été contemporaine de cette transformation, envers et contre la doxa de l’époque.

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