"Une enfance de rêve" de Catherine Millet
Jeu de mot sensible, il s'agit plutôt d'une enfance à rêver, car dans la France d'immédiate après-guerre, à Bois-Colombes, dans un petit appartement de la proche banlieue parisienne, la famille Millet se déchire. Ses parents, qu'elle nomme par leurs prénoms, ne s'aiment plus. Louis a passé la guerre en captivité, Simone ne l'a pas attendu, le petit frère de Catherine est né d'une autre union. Lourd secret, disputes violentes, promiscuité étouffante chez ces gens simples, avec la grand-mère au milieu des meubles envahissants.
L'enfance de Catherine M.
Catherine Millet fouille dans ses souvenirs, ses fantasmes. Elle est une enfant avec un fort instinct de vie, de résilience. A l'école, elle fait rire ses camarades en narrant le pugilat permanent de ses parents. Il s'agit là d'un portrait intime, dans un style très soigné, mais aussi une peinture délicate de la France des années1950, qui tourne enfin la page du XIXe siècle. "Il y avait un mode de vie qui était plus proche des habitudes, des règles sociales du XIXe siècle que ce qu'on connaît aujourd'hui" , se souvient-elle.
Un roman pudique
Sans tomber dans la psychanalyse de comptoir, on comprend mieux l'écrivain, notamment dans le rapport au père. Ces pages-là sont vraiment touchantes, comment la petite Catherine est devenue la Catherine M. qui abandonne son corps au désir des hommes. "Je ne me suis jamais posée de questions dramatiques, morales, qui m'aient empêché de vivre cette vie , explique Catherine Millet. C'est vrai qu'un des projets de départ de Une enfance de rêve était d'essayer de comprendre et de m'expliquer à moi-même comment j'avais pu rentrer dans la vie sans la moral stricte qui m'aurait interdit la vie sexuelle que j'ai eue."
La place du lecteur dans ce récit est tout l'enjeu de ce troisième volet. Comme dans les précédents livres, Catherine Millet est finalement pudique sur ses sentiments, ses émotions. Ces drames familiaux sont universels. La question l'amuse beaucoup : "J'ai été tellement accusée de nombrilisme... Je suis attentive à laisser sa place au lecteur ou à la lectrice" , répond Catherine Millet.
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