Lou Reed, un côté obscur mais de si belles chansons
"Je n'ai jamais fait ce qu'ils voulaient" ,
c'est comme ça que Lou Reed résumait lui-même ce qui a guidé sa carrière à
contre courant. "Ils", ce sont sans doute, basiquement, les esprits
conventionnels dont Lou Reed avait appris à se tenir loin, en particulier
depuis que ses parents lui avaient fait subir, à 17 ans, un traitement par électrochocs
pour soigner ses -je cite- tendance homosexuelles. Il ne concevra donc sa
musique, l'écriture, et le reste de l'art en général, que comme un électrochoc
en réponse.
C'est aussi l'histoire du Velvet Underground que Lou Reed
fonde avec John Cale, avant de devenir le bras armé musical d'Andy Warhol qui
sera la principale inspiration du rocker :
En 1967, tout le monde a des fleurs
dans les cheveux et chante l'amour. Lui et sa bande musiciens vêtus de noir
débarquent, joyeux comme des croque morts et font des chansons sur les drogues
dures. Ils sont capables, par exemple, de chanter "Heroin", morceau
qui suit le rythme des battements du cœur, calme, puis affolé après un shoot...
Rarement le rock et la littérature ont été aussi mêlés dans
une carrière.
Hubert Selby Jr ou Williams Burrough étaient cités comme
influence majeure, comme lui, des chroniqueurs de la déglingue et de la décadence,
des poètes de l'amour junkie et de la déprime du lendemain de défonce. Sans
doute le meilleur parolier de l'histoire du rock pour rendre glamour les bas
fonds new yorkais, ses créatures transgenres fascinantes et ses décors
interlopes, à l'époque ou tout ça sentait largement le souffre. C'est aussi ce
que raconte son plus gros tube : "Walk on the Wild Side" ,
inspiré par un travesti qui vendait ses charmes, personnage rencontré chez
Warhol.
Il n'a jamais battu des records de vente, mais ce qui frappe
chez Lou Reed, c'est son influence.
Depuis ses débuts, sur une génération
entière de musiciens. Et pourtant : le premier album du Velvet Underground (celui
avec la banane sur la pochette) a été, à sa sortie, un énorme flop commercial.
C'est Brian Eno, qu'on a connu dans Roxy Music, qui résume le mieux le
phénomène, en disant que oui, seulement 30.000 personnes avaient acheté le
disque les 5 premières années (à l'époque, le chiffre est ridicule), mais chacune
d'entre elles avaient ensuite fondé un groupe. Et il suffit de voir l'avalanche
de réactions sur les comptes Facebook des artistes: Iggy Pop parle d'une
nouvelle dévastatrice; Etienne Daho lui dit "merci pour tout" ;
et David Bowie, cite "un maitre" ... Bowie qui avait produit "Transformer" ,
deuxième album solo à la pochette culte (cliché de Lou Reed au visage comme
maquillé) et dont les tubes sont passé dans le langage commun du rock.
Lou Reed avait su entretenir sa réputation de personnage
acide avec les médias.
La plupart du temps, l'homme était tellement odieux avec
la presse que c'en était drôle et savoureux à raconter, comme ce reporter du
Figaro à qui un Lou Reed demande "vous avez d'autres questions de ce
niveau" , ou un journaliste montréalais qui raconte un petit déjeuner à
l'ambiance glaciale voire carrément hostile, qui a fini sur un rot sonore du
monsieur...
Atrabilaire, Lou Reed pouvait aussi l'être avec le public,
qui pouvait se faire fusiller du regard pour se montrer trop enthousiaste. Peu
importe, son coté obscur a produit de si belles chansons qu'on oubliera le
reste.
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