Cannes 2015 : la Turquie devant les caméras d'Erguven et Guédiguian
Ce que propose le Festival de Cannes chaque année, au-delà du tapis rouge et des photos sur papier glacé c'est, au travers des films qui sont sélectionnés, une sorte d'instantané de l'état du monde avec, à chaque fois, quelques escales privilégiées. Cette année, la Turquie en est une.
Mustang de Deniz Erguven
Dans Mustang tout d'abord, la jeune cinéaste turque Deniz Erguven signe là son tout premier film, sélectionné à la Quinzaine de réalisateurs. Elle s'intéresse à la place des femmes dans la société turque au travers d'un portrait de groupe particulièrement réussi. C'est le portrait de cinq sœurs, cinq gamines insouciantes, espiègles, enjouées qui, tout à coup, à l'adolescence, vont se retrouver prises au piège de la religion et des traditions, des tests de virginité aux mariages forcés auxquels, seule la plus jeune dont le visage reste longtemps en mémoire pourra peut-être opposer son irréductible désir de liberté. C'est une enfant comme un espoir pour la cinéaste de voir son pays résister au retour de ses pratiques et aux déclarations du président Erdogan qui, récemment encore, affirmait que l'égalité entre les hommes et les femmes était contre nature.
Deniz Erguven : "Ce que le gouvernement dit sur la place des femmes est tellement aberrant. On change d'époque ! Ce qui est plus dérangeant, c'est ce que cela insuffle à l'intérieur de la société. En Turquie, on est dans des eaux que je ne connais pas. J'aimerais que le film entraîne un peu d'empathie. J'espère que cela peut en inspirer."
Une histoire de fou de Robert Guédiguian
Faire bouger la société et surtout l'Etat turc c'est aussi ce qu'espère Robert Guédiguian en faisant confiance à la jeune génération, celle que représente justement Deniz Erguven ici à Cannes. Le cinéaste marseillais d'origine arménienne s'intéresse, lui, dans son nouveau film Une histoire de fou , présenté ce mercredi en sélection officielle hors compétition, à la cause arménienne à travers quelques dates clés à commencer par le génocide arménien en 1915 et la lutte armée dans les années 80. Il en profite pour mieux pointer du doigt la responsabilité de l'Etat turc au fil du temps. Lui aussi le fait au travers d'un portrait de famille de la grand-mère qui a fui la Turquie au petit-fils engagé dans la lutte armée. Il signe ainsi un film à la fois romanesque et politique, touchant et passionnant.
Robert Guédiguian : "C'est toujours par l'émotion qui nous rend intelligent qu'il faut que ces histoires soient incarnées dans des générations qui nous font traverser l'histoire de cette mémoire. Je voulais raconter l'histoire de la mémoire du génocide. Cela agite la mémoire des Arméniens mais, c'est aussi l'occasion de regarder ce qui se passe en Ukraine."
La chanson du jour sur la Croisette, c'est la chanson de France Gall qui ponctue le film de Robert Guédiguian présenté donc aujourd'hui en sélection officielle pendant que, du côté de la compétition, le tour du monde se poursuivra le Chinois Jia Zhang-Ke et l'italien Paolo Sorrentino
NB : Le film de robert Guédiguian sortira en salles au mois de novembre tandis que celui de Deniz Erguven sera à l'affiche lui dès le 17 juin.
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