Angelica Liddell divine sorcière
La metteuse en scène, comédienne, performeuse, petite brune au corps noueux, écorchée vive qui déborde de violence et de tendresse, lolita punk est en révolte permanente contre sa propre histoire, fille de militaire franquiste, contre les codes culturels et elle inverse radicalement le regard sur Lucrèce. Il y a eu Shakespeare et Haendel, que trois chanteurs ukrainiens interprètent sur une scène rouge sang au pied du palais des doges à Venise, il y'a désormais Angelica Liddell.
5ème siècle avant JC, Lucrèce, sublime romaine violée par Tarquin ivre devant tant de beauté, se suicide pour expier le déshonneur.
Evidemment Angelica Liddell piétine cette lecture qu'elle juge plate, d'un féminisme résigné, elle transgresse et imagine le désir de la victime pour son violeur. Elle mêle cette lecture à sa propre histoire quand humiliée par des hommes elle avait écrit le bouleversant spectacle "la casa de la fuerza". Sur scène en robe de princesse bleue et perfecto noir elle est au milieu de 10 hommes dans un rituel physique. Elle fabrique des images fortes, les hommes se flagellent le dos avec des serpillères, elle se laisse étreindre violemment avant de caresser leurs fronts, c'est fort, dérangeant et totalement assumé. Le plus troublant c'est que même quand en performeuse elle descend des canettes de bière qu'elle vide sur son corps, elle parvient à exprimer une tendresse bouleversante, Angelica Liddell, artiste inclassable, jamais en paix. Quand sur le plateau descend un corbillard avec un lion ailé et ensanglanté sur le toit, éblouie par une joie irradiante, Angelica Liddell et ses partenaires dansent follement sur « gloria » d’Umberto Tozzi, « la vie commence » dit-elle.
"You are my destiny" d'Angelica Liddell au théâtre de l'Odéon à Paris jusqu'au 14 décembre.
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