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Reconnaissance de la Chine en 1964 : "le poids de l'évidence et de la raison" (De Gaulle)

Alors que Manuel Valls s'envole pour la Chine, retour sur la normalisation des relations entre la France et la Chine à partir de 1964. Intérêts économiques, volonté de marquer son indépendance vis-à-vis des États-Unis, poids de la raison et de l'évidence, le 27 janvier 1964, de Gaulle reconnaît la Chine communiste de Mao.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (La premier ambassadeur de Chine, Huang Zhen en compagnie de Charles de Gaulle © Xinhua)

 Le 31 janvier 1964, le Général de Gaulle réunit la presse à l'Elysée pour une conférence de presse qui porte essentiellement sur une décision historique qu'il a prise quelques jours plus tôt :

"La République française a décidé de déplacer ses rapports avec la République populaire de Chine, sur un plan normal, autrement dit, diplomatique ! "

C'est le 27 janvier que par deux courts communiqués, la France et la Chine annoncent la normalisation de leurs relations. Et c'est une décision véritablement historique. Communiste depuis 1949, la Chine était considérée comme un pays ennemi par l'Occident.

Pire, en ce qui concerne la France, la Chine communiste soutient Hô Chî Minh pendant la guerre d'Indochine, et le GPRA durant le conflit algérien... Et cela rend toute tentative de rapprochement infructueuse, comme la poignée de main entre Pierre Mendès France et Zhu Enlai en 1954 à Genève restée sans suite.

Alors certes la France n'est pas le premier pays occidental à normaliser ses relations avec la Chine. Mais contrairement à l'Angleterre, qui nomme uniquement un chargé d'affaires en 1950, de Gaulle s'engage à ouvrir une ambassade en Chine et à accueillir en France un ambassadeur de Mao.

C'est chose faite le 6 juin 1964, Huang Chen devenant le premier ambassadeur en France de la république populaire de Chine.

"Le poids de l’évidence et de la raison pesant chaque jour davantage" se justifie de Gaulle pendant sa conférence de presse. Et ainsi, il apparaît que c'est bien par pragmatisme qu'il aurait agi en reconnaissant la Chine communiste.

Déjà avec pas mal de malice, le général insiste sur les intérêts économiques de ce rapprochement pour la France. Pour les entreprises françaises, la Chine pourrait devenir un véritable terrain d'expension selon lui.  Pas en 1964, le marché chinois étant encore peu perméable et surtout très pauvre, mais pourquoi pas dans l'avenir.

Après la reconnaissance, De Gaulle dira :

"Il n'est pas exclu que la Chine redevienne au siècle prochain ce qu'elle fut pendant des siècles, la plus grande puissance de l'univers !"

Aujourd'hui, Manuel Valls s'envole pour une visite de quatre jours en Chine, et il est certain qu'elle se fait sur fond d'intérêt économique. De fait, les firmes françaises ont du mal à s'imposer dans ce pays et le déficit commercial avec la Chine représentait en 2013 40% du déficit commercial total français.

Pour autant, il ne faut pas résumer la reconnaissance de la Chine populaire par de Gaulle aux seuls intérêts commerciaux. Par ce geste spectaculaire de Gaulle envoie un signal fort aux Américains. Dans la guerre froide, la France compte bien faire entendre sa différence avec les Etats-Unis.

D'ailleurs, la réaction aux Etats-Unis est très négative :

"L'établissement des relations diplomatiques entre la Chine communiste et la France énerve passablement les Américains !" entend-on à la radio française.

Mais huit ans plus tard, les Etats-unis suivront l'exemple français avant de reconnaître formellement la Chine en 1978.

Tout ceci nous rappelant à quel point dans les relations internationales est, pour reprendre les mois du général de Gaulle de 1964, c'est souvent la raison qui l'emporte

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