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Histoires d'info. Maltraitance animale : quand les animaux des abattoirs n'étaient pas encore vues comme des "victimes"

Le procès des employés et du directeur de l'abattoir de Mauléon s'est ouvert lundi matin à Pau. Retour sur l'évolution du regard sur la maltraitance animale.

Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Un abattoir à Fismes, dans la Marne, en 1899. (GAMMA-RAPHO VIA GETTY IMAGES)

L’association L214 veut faire via le procès qui s'est ouvert lundi 17 septembre à Pau celui des abattoirs, lieu de la souffrance animale. Pourtant l'histoire des abattoirs est aussi l'histoire d'une reconnaissance de cette souffrance animale.

Historiquement, il est très intéressant de noter que ce sont des caméras qui sont à l’origine du scandale des abattoirs. Quand les abattoirs sont créés, au début du XIXe siècle, sous Napoléon, l’objectif est précisément de les soustraire au regard des citadins. Il s’agit d’une exurbanisation qui correspond à un moment où il s’agit de dissocier la mort de l’animal de la viande que l’on consomme.

"Le spectacle dégoutant du sang répandu"

L’enjeu est moral, mais il est surtout hygiéniste. On ne veut plus du sang et des miasmes en ville. En 1837, le maire de Clermont-Ferrand résume parfaitement ce rejet lorsqu’il milite pour la construction d’un abattoir dans sa ville par ces mots : "Faites disparaître de nos rues le spectacle dégoutant du sang répandu par l’engorgement des animaux". Rupture d’autant plus importante que jusqu’au XVIIIe siècle, au contraire, voir les bêtes vivantes avant de les consommer était un gage de confiance.

Mais pas de trace de bien-être animal dans les premiers abattoirs : l’argument est absent lors de leur mise en place à au début du XIXe siècle.

La souffrance des bêtes peu à peu prise en compte

Tout va progressivement changer au siècle suivant. Dans La Jungle, son grand roman sur les abattoirs de Chicago, Upton Sinclair décrit le processus méthodique et rationnel de l’abattage des bêtes mais il note : "Ces bêtes n’avaient rien fait pour mériter ce sort. C’était leur infliger une blessure non seulement physique, mais morale que de les traiter de cette façon." Et de fait, la prise en compte de la souffrance, au moins physique, animale a produit ses effets.

En 1955, un reportage qui accompagne l'ouverture des nouveaux abattoirs de Marseille souligne ainsi que "tout est beaucoup plus facile, même pour les victimes". Le simple usage du terme "victime" change de l’objectivation du XIXe siècle…

On est en 1955, et cet abattoir est en avance sur la législation, puisque c’est neuf ans plus tard, en 1964, grâce au travail sans relâche de Jacqueline Gilardoni, la fondatrice de l'Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs, bien aidée par Edith Piaf et Brigitte Bardot, qu’un décret impose que les animaux soient déjà morts au moment d’être saignés. Seul le pistolet d'abattage et l'anesthésie par électricité ou gaz sont autorisés. Il reste des dérogations, notamment pour l'abattage rituel (halal et casher).

50 ans plus tard, ce décret n’est pas encore parfaitement respecté, c’est un euphémisme. Nous rappelant une fois de plus qu’il y a la loi, et qu’il y a le respect de la loi.

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