Guerre entre Israël et le Hamas : avant la libération des otages, une attente interminable

Un accord a été conclu entre Israël et le Hamas pour libérer des otages israéliens à Gaza en échange de prisonniers palestiniens en Israël. Les belligérants doivent aussi observer une trêve de quatre jours. Les négociations de cet accord, impliquant notamment le Qatar, ont été fastidieuses. Et très éprouvantes pour les familles concernées.
Article rédigé par Frédéric Métézeau
Radio France
Publié
Un véhicule de la Croix-Rouge internationale transportant des otages libérés par le Hamas traverse le poste frontière de Rafah, dans la bande de Gaza, le 24 novembre 2023. (MOHAMMED ABED / AFP)

C'est l'accord que tout Israël attendait : la libération d'une partie des otages capturés par le Hamas le 7 octobre. Treize otages israéliens ont été libérés et pris en charge par la Croix-Rouge, vendredi 24 novembre, selon une déclaration du porte-parole du CICR, Frédéric Joli, sur franceinfo. Au total, la Croix-Rouge a annoncé "la libération en toute sécurité de 24 otages". Parmi eux se trouvent dix otages thaïlandais et un otage philippin, selon le ministère des Affaires étrangères du Qatar. En échange des 24 otages, Israël a libéré 39 femmes et enfants détenus dans ses prisons, selon le ministère qatari des Affaires étrangères.

Deux jours plus tôt, les médias du monde entier annonçaient la conclusion de l'accord : 50 otages israéliens contre 150 détenus palestiniens en Israël dans les deux cas des femmes et des mineurs avec une pause de quatre jours dans les combats à Gaza. 

Pour avoir été en poste à Jérusalem pendant quatre ans jusqu'à l'été dernier, je sais bien qu'au Proche-Orient, encore plus qu'ailleurs, on ne croit que ce que l'on voit. C’est le cas une nouvelle fois : l'accord censé entrer en application le jeudi est effectif le lendemain vendredi 24 novembre à 6 heures (heure de Paris) avec la suspension des combats sur l’enclave palestinienne. Neuf heures plus tard, le processus de libération de 13 otages israéliens débute. Ils sortent par l'Egypte puis sont transférés par hélicoptère dans six hôpitaux israéliens.

Des familles en plein doute jusqu'au bout

Comme dans la série Hatoufim qui raconte le retour au pays de deux soldats captifs, Israël est resté suspendu pendant des jours... Les familles sont déchirées nous racontent Benjamin Thuau et Valentin Dunate. Yaelle, cousine d'Hadas Caldéron dont les enfants Erez et Sahar (12 et 16 ans) sont otages est broyée par cette attente : "Pour l'instant on n'y croit pas tant qu'ils ne sont pas revenus, on ne veut pas y croire."

"Depuis le début de la semaine, c'est comme des montagnes russes, un coup c'est oui, un coup c'est non. Donc on verra bien si des otages seront vraiment libérés."

Yaelle, mère de deux enfants otages

De son côté, Efrat sait très bien que son cousin Omer ne figure pas sur la liste mais elle continue à y croire tout en s'inquiétant de la santé d'Omer qui doit recevoir des médicaments. Mais pour l'instant, le Hamas refuse toujours que des ONG puissent aller voir les otages qui ne seront pas libérés : "En effet, j'ai entendu que ça posait problème mais c'est le rôle du gouvernement israélien de pousser. J'attends qu'il fasse le maximum pour que les organisations humanitaires puissent aller voir comment ils vont."

Willy Moreau, un autre reporter de Radio France envoyé en Israël a assisté à cette attente insupportable. De retour de Tel Aviv, il nous laisse un message vocal.

Note vocale de Willy Moreau

Chez les Palestiniens, on attend aussi. Selon la règle d’un otage israélien pour trois détenus palestiniens, 39 prisonniers détenus dans des prisons israéliennes doivent être libérés, si tout se passe bien. Mais les modalités sont encore floues. Sur la liste des personnes libérables –qui n’ont pas commis de meurtre – on en trouve certaines emblématiques chez les Palestiniens, nous explique Alice Froussard à Ramallah. C’est le cas d’Israa Jaabice. Depuis 2015, cette mère de famille de 38 ans est derrière les barreaux, condamnée pour avoir fait exploser une bouteille de gaz de cuisine dans sa voiture à 500 mètres d’un checkpoint, blessant un soldat. Israël l’accuse de terrorisme alors qu’elle a toujours plaidé un accident rappelle Thaer Shreteh, porte-parole du comité des prisonniers palestiniens : "Lors de l’explosion, 65% de son corps a été brûlé au premier et au troisième degré. Et d’après les comptes rendus de médecins israéliens en prison, elle aurait eu besoin de neuf opérations chirurgicales." Mais la détenue n’a été autorisée qu’à en faire deux. Sa libération relève donc de l’urgence vitale juge Shatha Odeh, une de ses anciennes codétenues : "Ce n’est pas une opération décorative, ou de la chirurgie esthétique, c’est seulement pour qu’elle puisse utiliser ses mains. Elle a contesté devant un tribunal, mais elle a perdu."

Le rôle central du Qatar


Évidemment, Israël et le Hamas n'ont pas négocié cet accord en tête à tête. Les deux belligérants ont eu recours à quantité d'intermédiaires à commencer par les Etats-Unis, l'Egypte et surtout le Qatar. D'ailleurs, c'est le ministère des affaires étrangères du Qatar qui en a annoncé les modalités lors d’une conférence de presse. L’émirat partage la même idéologie issue des Frères Musulmans avec le Hamas et finance généreusement le mouvement classé pourtant terroriste par les Etats-Unis, l’Union Européenne et Israël. Le Qatar abrite aussi sur son sol une partie des dirigeants politiques du Hamas mais il dialogue aussi avec Israël même s’il ne le reconnaît pas officiellement. Ainsi le directeur du Mossad a-t-il multiplié les déplacements à Doha pour négocier.

Note vocale de Rami
 

Vue de Gaza, la trêve est une bénédiction. Depuis Rafah où il s’est réfugié, Rami Abou Jammus raconte le soulagement prudent des civils gazaouis. Il juge aussi que le Hamas a gagné dans son bras de fer avec Israël. Depuis Jérusalem, Yaëlle Ifrah constate que cet accord a divisé la société israélienne. Pour cette spécialiste de la société israélienne, ancienne conseillère au Parlement israélien et aujourd'hui entrepreneuse high-tech, "en Israël, on juge négligeable le prix à payer pour le retour des otages. Pour un soldat Gilad Shalit, on avait libéré 1500 détenus palestiniens. Donc trois prisonniers pour un otage rendu, ce n’est pas cher payé. Mais l’opinion publique s’est scindée en deux selon un sondage de l’Institut d’études de la sécurité nationale (INSS). Certains craignent que la guerre ne s’arrête, d’autres ne font pas confiance au gouvernement et craignent qu’il n’y ait pas d’autres tentatives pour récupérer d’autres otages."

Dans cet épisode : Benjamin Thuau, Valentin Dunate, Willy Moreau, Rami Abou Jammus, Yaëlle Ifrah
Mise en ondes : Anne Depelchin
Technique : Geoffroy Baccialonne
Production : Frédéric Métézeau

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