Guerre entre Israël et le Hamas : le viol des femmes, une arme de destruction massive
C'est un journaliste comme tant d'autres. Debout face à son caméraman, il rend compte de la situation, vêtu d'un gilet pare-balles siglé "PRESSE". Sauf que ce journaliste est Gazaoui, il vit et travaille au cœur de l'enclave palestinienne. Tendu, blême, le visage défait et les yeux tombants, il s'arrête de parler en plein direct. Rami Abou Jammous, l'ancien fixeur de Radio France à Gaza nous raconte l'histoire de ce journaliste, qui pourrait être celle de n'importe quel Gazaoui en ce moment. "Notre ami et notre collègue a perdu 22 membres de sa famille, ses parents, ses frères, explique-t-il. Il travaille pour Al-Jazeera. Le problème, c'est qu'il a appris la mort de ses parents et qu'il n'arrive même pas à aller les enterrer. Il est parti avec Al-Jazeera au sud."
"Ce qui est plus grave que la mort, c'est l'humiliation. L'humiliation sous les bombardements, l'humiliation après les bombardements et l'humiliation après la mort. On n'arrive même pas à enterrer nos amis. Maintenant, le plus chanceux, c'est celui qui peut enterrer ses amis. La plus grand chance, c'est de trouver un endroit pour les enterrer."
Rami Abou Jammous, ancien fixeur de Radio France à Gaza
Pour Frédéric Joli, le porte-parole du Comité international de la Croix rouge décrit sur franceinfo une réalité à peine croyable. "Gaza, c'est l'enfer sur terre et la souffrance partout, témoigne-t-il. Notre équipe chirurgicale qui opère dans l'hôpital européen à Khan Younès, dans le sud la bande de Gaza, ne fait qu'amputer des gens. Non pas parce qu'ils ont été blessés sous les décombres ou dans des combats, juste parce que ce sont des plaies qui n'ont pas été soignées qui se sont infectées. Pour éviter la septicémie ou la gangrène, notre équipe chirurgicale ampute à tour de bras."
Noyer les tunnels du Hamas avec de l'eau de mer ?
En voiture, à pied ou en charrette, sous les pluies annonciatrices de l'hiver, les Gazaouis ont fui vers le sud. Mais l'armée israélienne a aussi pris position dans ce secteur où elle pense avoir localisé les chefs du Hamas dont Yayah Sinouar son chef politique. Selon le Wall Street Journal qui cite des sources officielles américaines, Israël a positionné un système de pompes pour aspirer l'eau de mer et avec, noyer les tunnels où le Hamas cache ses hommes et son matériel, pour les neutraliser. Avec aussi un risque de pollution du sous-sol par cette eau salée et polluée.
Israël maintient donc son objectif d'anéantissement du Hamas mais le Premier ministre Netanyahou a annoncé que tous les otages israéliens à Gaza ne pourront pas être sauvés. Le Premier ministre israélien s'exprimait lors d'une réunion à huis-clos avec des familles et des ex otages libérés. Mais comme souvent en Israël, des enregistrements clandestins ont fuité. Benyamin Netanyahou s'est aussi exprimé à propos des viols commis en masse le 7 octobre : "Je dis aux organisations pour les droits des femmes : bon sang, où êtes-vous ?" Joe Biden est également monté au créneau : "On parle de femmes violées à plusieurs reprises, c'est épouvantable, le monde ne peut pas détourner le regard", affirme le président américain. Les informations en provenance d'Israël sont terrifiantes : des femmes violées, mutilées puis assassinées dans les kibboutz, à la rave party Nova et dans des casernes où dormaient des soldates. Les médecins légistes ont constaté sur les victimes des mutilations génitales ou des fractures pelviennes.
"Après le 7 octobre c’était un féminisme au conditionnel."
Illana Weizman, essayiste spécialiste du féminisme
Pourtant, il a fallu attendre près de deux mois pour que l'ONU et ses agences ou bien des associations féministes européennes et américaines prennent position sur ces drames, documentés dès le 7 octobre. Pour l'essayiste Illana Weizman, autrice de Des blancs comme les autres ? Les Juifs angle mort de l'antiracisme et qui travaille à Tel Aviv sur les questions de féminisme et d'antiracisme, "écouter, croire et soutenir les victimes est un pilier en termes de luttes féministes". "Après le 7 octobre, c'était un féminisme au conditionnel, explique-t-il. À minima, c'était une gêne à parler de ces violences du Hamas sur des civiles israéliennes, au pire c'était un silence parfois assumé. On l'a vu chez ONU Femmes."
"Ça me choque énormément car le féminisme ne doit souffrir d'aucune exception. On doit se trouver du côté des victimes quels que soient leurs ethnie, lieu de naissance, religion, couleur politique... C'est un intangible ! Là, j'ai vu un dévoiement moral qui m'a beaucoup heurtée."
Illana Weizman poursuit : "J'ai pu entendre l'argument de l'instrumentalisation : dénoncer ces violences donnerait des gages à la coalition de droite et d'extrême-droite israélienne... Mais les victimes ne méritent-elles pas d'être considérées ? En France notamment, on se rend compte que dans certains lieux de la gauche, on va éviter de prendre la lutte contre l'antisémitisme à bras le corps car l'extrême droite, le RN, l'instrumentaliserait à des fins islamophobes. Cela existe mais alors on fait quoi des Juifs qui souffrent d'antisémitisme ? Soit ils sont instrumentalisés, soit ils sont mis de côté. Les Juives ont du mal à faire leur place dans le féminisme intersectionnel. Cela s'est renforcé depuis le 7 octobre."
Dans cet épisode : Rami Abou Jammous, Frédéric Joli, Valérie Crova, Illana Weizman
Mise en ondes : Anne Depelchin
Technique : Guirec Corbin
Production : Frédéric Métézeau
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