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1914-1918, franceinfo y était. 7 septembre 1914 : Les taxis de la Marne à la rescousse

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Les taxis de la Marne à la rescousse".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Grégory Philipps
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Les taxis Renault AG-1 de la Marne, réquisitionnés sur ordre du général Gallieni, gouverneur militaire de Paris.  (HERITAGE IMAGES / HULTON ARCHIVE / GETTY IMAGES)

Nous sommes le 7 septembre 1914. La victoire va-telle arriver en taxi ? Plus d’un millier de taxis parisiens roulent en ce moment même vers le front. Ces taxis Renault bien connus des habitants de la capitale ont été réquisitionnés sur ordre du général Gallieni, gouverneur militaire de Paris. Il faut par tous les moyens faires monter des troupes vers le front. Car les Allemands sont très proches de la capitale… Grégory Philipps, vous avez pu monter dans un de ces taxis. Savezvous où vous vous trouvez en ce moment ?

Pas exactement… Nous avons quitté Gagny il y a quelques dizaines de minutes seulement à bord de ce taxi rouge et noir et nous roulons vers le nord-est, très lentement car il faut éviter les chicanes, les barrages d’arbres abattus et les charrettes renversées. Nous avons réussi à convaincre ces hommes qui appartiennent au 103e régiment d’infanterie de nous laisser les suivre et les accompagner sur cette route. À bord de ce taxi nous sommes donc six  : le chauffeur, quatre soldats, munis de leur mitraillette et de leur caisse à munitions, et moi ; les canons des fusils pointent par les vitres baissées des portières.

Les soldats sont épuisés après près de deux semaines sur le front. C’est donc une nouvelle épreuve pour eux de partir ainsi. Quand ceux de Gagny ont vu arriver les taxis, ils étaient persuadés que leurs épouses se trouvaient à bord… En fait, ces taxis devaient les ramener vers les zones de combat… Vous imaginez l’état d’es - prit de ces hommes qui, au moment où je vous parle, tentent de dormir un peu, de prendre un peu de repos. Ils ont dégrafé leur tunique, allongé leurs jambes. On roule par convois de quinze à vingt taxis, à touche-touche. Dans les villages, la population se rassemble sur le trottoir pour voir passer ce curieux cortège.

Grégory, comment ces taxis se sont-ils retrouvés là, dans ce convoi ?

Notre chauffeur m’expliquait tout à l’heure que cela fait plusieurs jours déjà qu’il est régulièrement réquisitionné, prêt à se rendre ici ou là sur ordre de l’autorité militaire, mais cette fois on l’a mobilisé en pleine rue. Un agent a fait descendre ses clients en expliquant que la voiture était réquisitionnée. Le chauffeur a dû immédiatement se rendre au garage puis se diriger vers Gagny. Dans le même temps, des dizaines de ses collègues ont été regroupés sur la place des Invalides à Paris, là encore sur ordre de l’autorité militaire. Ensuite ils ont pris la route sans connaître leur destination… Ce chauffeur me disait qu’il serait normalement payé par les autorités militaires.

Malgré le manque d’informations, avez-vous une idée de l’endroit où vous vous rendez ?

Aucune idée, nous roulons vers l’inconnu. Sur notre route nous croisons beaucoup d’autres soldats qui marchent dans le sens inverse. Je ne peux pas vous dire s’il s’agit de fuyards ou bien d’hommes en déroute. Dans le convoi où je me trouve circulent de nombreuses rumeurs… On dit que les Allemands sont à Creil, qu’ils ont pris Senlis, qu’ils sont commis des massacres… Mais, comme je vous l’ai dit, il s’agit de rumeurs encore invérifiables, en tout cas depuis la banquette de ce taxi où je me trouve actuellement.

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