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1914-1918, franceinfo y était. 24 juillet 1917 : Mata Hari condamnée à mort

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Mata Hari condamnée à mort".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Richard Place
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Mata Hari. (©)

C’est la peine capitale que le conseil de guerre a prononcée contre la sulfureuse danseuse exotique Mata Hari à l’issue d’un procès très rapide. Elle était accusée d’espionnage : elle aurait été un agent particulièrement actif pour l’Allemagne et aurait fait des dégâts considérables. Richard Place, vous êtes en direct du conseil de guerre à Paris. Les délibérations ont donc été très rapides, dix minutes à peine. Comment l’accusée a-t-elle réagi ?

Elle a paru complètement sonnée, abasourdie. Elle répétait : "Je ne comprends pas, c’est impossible !" en hochant la tête. Elle ne s’attendait visiblement pas à cette sentence… Après dix minutes seulement de délibéré en effet, les juges sont revenus et ont annoncé leur décision. À cet instant, le monde s’est effondré pour cette belle quadragénaire aux cheveux bruns. Au bout de quelques secondes, elle a cependant fini par retrouver un peu ses esprits, suffisamment pour se pourvoir en cassation.

Les faits très graves reprochés à Mata Hari, et qui lui valent cette condamnation, ont-ils été clairement démontrés ?

Pas vraiment… Vous l’avez dit, les charges sont graves. L’accusation affirme qu’à cause des informations qu’elle a communiquées à l’Allemagne, 50 000 Français ont été tués. On dit aussi que ces renseignements ont permis aux Allemands de torpiller des vaisseaux alliés en Méditerranée. Mais durant le procès, tout cela n’a finalement pas été prouvé.

Ce que l’on sait avec certitude, c’est que Mata Hari avait rencontré l’un des chefs des renseignements allemands, Kramer. Elle-même était appelée H 21 par ses services. Une somme d’argent rondelette lui a été versée : 10 000 francs… Et on sait qu’elle s’est servie de l’encre sympathique, cette encre invisible que l’on a découverte récemment et qu’utilisait l’Allemagne pour passer des messages secrets. Un faisceau de présomptions, donc, qui ont conduit le tribunal à condamner Mata Hari en tant qu’espionne allemande.

En sait-on plus, Richard, sur la personnalité de l’accusée ? Elle est entourée de mystère, à commencer par son vrai nom, non pas Mata Hari mais Margaretha Geertruida Zelle…

On en sait effectivement un peu plus. Elle arrive à Paris en 1903. C’est une belle femme. Elle plaît aux hommes et elle en joue, en particulier quand elle danse. Rapidement, elle se fait une réputation dans les salles parisiennes où elle esquisse des pas de danse exotique. C’est à ce moment-là qu’elle se fait appeler Mata Hari, "pupille de l’aurore"… Elle raconte qu’elle a des origines hindoues et que ce surnom lui a été donné par des prêtres… Une histoire rocambolesque pour une femme qui affole la gente masculine. Ses courbes, qu’elle fait onduler derrière des voiles très fins avec deux plaques de cuivre pour cacher ses seins, sont harmonieuses, sa peau est bronzée, son charme envoûtant… On lui prête de nombreuses conquêtes. La presse la qualifie même de sauvage, sombre, ravissante, idéale ! Elle interprète la danse des sept voiles au musée Guimet le 13  mai 1905, et pourtant les spécialistes l’affirment : elle ne sait pas faire le moindre pas de danse, elle séduit et fait payer les hommes qui tombent sous son charme, des hommes riches et influents. La voilà propriétaire d’un hôtel particulier à Neuilly, et même d’une écurie.

On se souvient cependant qu’elle était un peu passée de mode avant la guerre…

Mata Hari est partie pour l’Allemagne après avoir vendu tous ses biens. Mais elle est revenue en France un an plus tard, surveillée alors par la Sureté générale car elle avait été signalée par les services secrets britanniques. Et malgré les filatures, la surveillance, aucune preuve d’espionnage… Le chef du renseignement français lui propose alors de travailler pour lui, elle lui réclame 1 million de francs…Il est persuadé de faire d’elle un agent double, l’envoie opérer en Espagne, mais les informations qu’elle en rapporte sont maigres et peu utiles. Elle se révèle une piètre espionne… Lorsqu’elle rentre à Paris, au début de l’année 1917, elle est arrêtée et inculpée pour espionnage et intelligence avec l’Allemagne.

Merci Richard Place, en direct du conseil de guerre à Paris où Mata Hari vient d’être condamnée. Son avocat, Maître Clunet, vient d’en appeler au président Poincaré pour obtenir sa grâce.

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