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1914-1918, franceinfo y était. 19 mars 1920 : Les États-Unis rejettent Versailles

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Les États-Unis rejettent Versailles".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Frédéric Carbonne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les Premiers ministres britanniques et italiens David Lloyd George et Vittorio Emanuele Orlando, le président du Conseil Georges Clemenceau et le président américain Woodrow Wilson, photographiés en 1919. Alors que les Alliés ratifient le traité de Versailles le 19 mars 1920, le même jour, les États-Unis refusent de le signer. (DPA / AFP)

1914-1918, franceinfo y était. 19 mars 1920 : Les États-Unis rejettent Versailles

Les États-Unis claquent la porte des institutions internationales. Ils ne siégeront pas aux côtés des autres pays au sein de la toute nouvelle Société des Nations, la SDN. Le Congrès américain en a décidé ainsi. Il a rejeté le traité de Versailles cette nuit, ou plutôt il ne l’a pas ratifié, puisque les votes en faveur du traité n’ont pas atteint les deux tiers nécessaires pour sa ratification. Frédéric Carbonne, que s’est-il passé au Congrès cette nuit ?

Le Congrès américain ne veut pas du monde de l’après-guerre négocié par les Européens et par le président Wilson. Quand il a entamé cette séance cruciale, on ne pouvait s’empêcher de penser à cet autre jour historique il y a presque deux ans où le président Wilson, le pacifiste, était parvenu à convaincre les élus que les États-Unis devaient entrer en guerre contre l’Allemagne au nom du droit et de la défense des valeurs les plus profondes.

Aujourd’hui, le combat est perdu. Le traité de Versailles, la création de la Société des Nations sont pourtant largement inspirés des idées de Woodrow Wilson, mais le Congrès américain, après un premier rejet par le Sénat, ne lui accorde pas cette majorité des deux tiers nécessaires pour une telle ratification. Car 49 voix pour –35 contre –, c’est insuffisant, et quelques voix démocrates ont même manqué. C’est donc l’épilogue d’un bras de fer entre le président et les représentants du peuple.

Wilson a refusé tout amendement. Il s’est lancé dans une véritable campagne électorale. Des dizaines d’États visités à l’automne dernier, des dizaines de discours prononcés, des plaidoyers pour la SDN. Nos soldats ne doivent pas être morts pour rien. Un engagement total qu’il a sans doute payé physiquement. Après plusieurs attaques, le président a dû rentrer précipitamment à la Maison-Blanche en octobre dernier. Les Américains ne sont d’ailleurs pas informés de son état de santé réel. Bref, c’est un homme affaibli, isolé, qui voit s’envoler son rêve internationaliste.

Puisque le président Wilson a fait campagne pour ce traité, comment comprendre ce vote de rejet ?

Il y a toujours beaucoup de raisons à cela, et même des alliances contre nature, mais l’essentiel, c’est le refus de la perte de leur souveraineté de la part des États-Unis, la peur de ne plus maîtriser la décision suprême, de s’engager à nouveau dans un conflit.

Tout s’est focalisé sur l’article  10 du pacte de la future SDN. Citons-le : "Les membres de la Société s’engagent à respecter et maintenir contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance politique présente de tous les membres de la Société." Et le Conseil de la SDN envisage tous les moyens pour exécuter cette obligation. Autrement dit, même si cela ne signifie pas une entrée en guerre systématique, il y aurait des sanctions et des actions communes. "Engagement", dit le texte, et cela est insupportable pour de nombreux élus. Le républicain Beveridge, par exemple, évoque à la tribune le risque de "démanteler l’Amérique" et "la virilité des nations." Voilà donc le message : nous sommes venus nous battre à vos côtés quand nous l’avons décidé, nous le referons si nous le décidons et non parce que nous y serions contraints par des traités ou des accords. Il reste un océan entre les États-Unis et l’Europe. Pas de frontière commune, pas de notion identique de la menace. L’Amérique est unique et ne se dilue pas dans une Société des Nations. C’est cela qui explique le vote du Congrès – une forme de fidélité à l’intransigeance des pères de la Nation.

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