1914-1918, franceinfo y était. 13 février 1915 : Fusillé pour un pantalon
Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Fusillé pour un panton".
Nous sommes le 13 février 1915. Le soldat Lucien Bersot, 34 ans, attend son exécution à Fontenoy, dans l’Aisne. Il a été condamné à mort hier pour refus d’obéissance par un conseil de guerre spécial présidé par le lieutenantcolonel François Maurice Auroux, qui est aussi son accusateur. Mais l’affaire soulève l’émotion dans son régiment car, selon certains, jamais une telle peine n’aurait dû être prononcée. Tout est parti du refus du soldat de revêtir le pantalon déchiqueté d’un de ses camarades mort. Cécilia Arbona, vous êtes sur place...
Cet ancien maréchal-ferrant qui nous vient de Haute-Saône va mourir pour refus d’obéissance, mais pour un motif anodin. De quoi s’est rendu coupable le soldat Bersot ? Eh bien, depuis des jours il grelottait de froid dans sa tranchée, avec pour seule protection le pantalon en toile blanc fourni avec son paquetage lors de son incorporation. Ce soldat a demandé il y a deux jours au sergent fourrier un pantalon de laine identique à ceux que portent ses camarades. Et que lui a-t-on proposé ? Un pantalon en loques, maculé de sang, pris sur un soldat mort, un pantalon que Bersot a refusé de porter.
Le soldat s’est alors vu infliger une peine de huit jours de prison par le lieutenant André. Mais là, un lieutenant-colonel particulièrement zélé, M. Auroux, s’en est mêlé. En tant que commandant du régiment, il estimait que cette punition était insuffisante. Il a demandé la comparution de Bersot en conseil de guerre spécial. C’est une véritable cour mariale, et comme de nouvelles recrues non aguerries viennent d’arriver ici à Fontenoy, l’intention de la hiérarchie est de faire un exemple de discipline militaire. La sanction est terrible pour Lucien Bersot : il doit mourir ce soir. Cet homme est papa d’une petite fille de 6 ans.
Cécilia, quand on vous écoute, cette peine paraît disproportionnée par rapport au délit, si je puis dire…
En effet, elle ne correspond pas au code de justice militaire, même en temps de guerre. Car le délit a été constaté à l’arrière, et non pas sur le front, en tout cas pas du tout au contact de l’ennemi. De plus, le conseil de guerre spécial qui a décidé de la mort de cet homme était présidé, on l’a dit, par le colonel Auroux, ce qui ne se fait pas. Révoltés par ce qu’ils considèrent comme une injustice, deux compagnons de Bersot sont intervenus auprès du lieutenant-colonel pour tenter d’adoucir la sentence. Échec... Non seulement ils n’ont pas été entendus, mais ils ont payé cher leur démarche : tous les deux, m’a-t-on dit, vont être envoyés aux travaux forcés, en Afrique du Nord. Et alors que la nuit tombe, ici à Fontenoy, et que l’heure de l’exécution approche, on a appris que d’autres camarades de Lucien Bersot ont refusé de faire partie du peloton d’exécution, ont refusé de tirer sur leur camarade.
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