Cet article date de plus de dix ans.

Première dame : un usage, non pas un statut

Alors que le statut de Première dame aux Etats-Unis est aussi flou qu'en France, Michelle Obama, qui vient de fêter ce week-end ses 50 ans, a véritablement réussi à s'imposer, à devenir la quintessence de la femme moderne, contemporaine et urbaine. Portrait.
Article rédigé par Frédéric Martel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
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Alors que le statut de Première dame aux Etats-Unis est
aussi flou qu'en France, Michelle Obama, qui vient de fêter ce week-end ses 50
ans, a véritablement réussi à s'imposer, à devenir la quintessence de la femme
moderne, contemporaine et urbaine. Portrait.

C'est un
anniversaire passé quelque peu inaperçu en France, mais cette nuit, Michelle
Obama a fêté ses 50 ans. Oui, 50 ans. La First Lady , la Première dame, a
fait la fête avec Barack Obama à la Maison Blanche et elle a reçu un beau
cadeau, ou plutôt une belle visite... Devinez qui ?

C'est
Beyoncé en personne qui est venue chanter, accompagnée de son mari Jay Z, et
reconnaissez que tout le monde ne reçoit pas pour son anniversaire Beyoncé.

Donc, on a
fêté l'anniversaire de Michelle Obama cette nuit à la Maison Blanche, on a bu
du vin américain, selon le New York Times , et mangé des macarons. On a
dansé aussi dans les salons dorés de la White House.

Peut-on dire que Michelle Obama a réussi, en cinq années,
à incarner la fonction de Première dame ?

Elle a
réussi, oui, à être à la fois une première dame glamour - l'icône globale par
excellence -, à s'engager socialement et à être une femme qui prend soin de sa
famille. Son succès sur ces trois registres à la fois est même spectaculaire. Pourtant
tout avait très mal commencé pour Michelle Obama.

D'abord,
elle ne voulait pas venir habiter à la Maison Blanche ; et elle espérait
rester avocate (comme d'autres ont voulu rester journaliste). "Tout le
monde attendait que cette femme noire fasse une erreur
", racontent les
biographes de la famille Obama.

Et
évidemment, l'erreur arrive : à l'été 2010, ses vacances sur la Costa del Sol au
Sud de l'Espagne avec 40 amis dans un hôtel cinq étoiles sont critiquées par la
presse
, surtout en période de crise.

Mais elle va
vite se remettre de ses erreurs et trouve, enfin, son créneau ou plutôt
ses créneaux :

1) D'abord
le sport. Elle est connue pour ses biceps et elle les montre. Elle fait de la gym et du yoga
pour inciter les Américains à prendre soin de leur corps et à maigrir.

2) Autre
combat, celui de la nutrition pour lutter contre la mal-bouffe et l'obésité.
Elle cultive son jardin et se concentre sur l'alimentation diététique (sa
préparation des choux de Bruxelles a fait récemment l'actualité).

3) Et puis
bien sûr le "social", car il y a traditionnellement à la Maison
Blanche un "bureau des affaires sociales", qui dépend de la première
dame.

En creux, on
le voit, ces thèmes ne sont pas pris au hasard, elle épaule le président sur le
social et sur l'éducation.

Michelle Obama c'est aussi un style

On peut même
dire que Michelle Obama, c'est d'abord un style. Elle s'habille simplement avec
des marques de prêt à porter comme J.Crew ou celle de jeunes couturiers
américains de talent. Elle est une "Everyday Icon " , une
icône de tous les jours, pour reprendre le titre d'une biographie qui lui a été
consacrée.****

Mais cette
priorité accordée au style ne se fait pas au détriment du fond.
Elle apparaît même aujourd'hui comme
celle qui est la "gardienne des valeurs" de son mari.

C'est elle
aussi qui incarne les valeurs de la famille : une mère qui prend soin de
Malia, 15 ans, et Sasha, 12 ans. Et du chien, n'oublions pas le chien, BO, c'est son nom. Et il a
un titre, bien sûr : le First Dog (et une photo officielle).

D'une image
compliquée et critiquée au départ, Michelle Obama a finalement réussi a devenir
elle-même. A trouver sa place . En cinq ans, elle est devenue la
quintessence de la femme moderne, contemporaine et urbaine.

Le fait qu'elle soit noire ajoute-il une
singularité ?

Michelle
Obama sait qu'elle est constamment regardée, qu'elle n'a pas droit à l'erreur.
Elle a choisi, dès le départ, de ne pas jouer la carte "noire", mais
elle ne renie pas non plus son identité. Elle est "post-black ",
comme on dit, en cela que sa couleur de peau n'est pas ce par quoi elle se
définit uniquement. Elle a plusieurs identités, parmi lesquelles, il se trouve
qu'elle est la première First Lady black de l'histoire des Etats-Unis.

On dit souvent qu'être First Lady est un statut
aux Etats-Unis...

Eh bien ce
n'est pas vraiment le cas, en fait. La First Lady n'est pas élue, elle
n'a aucun rôle officiel aux Etats-Unis
, sa place n'est écrite dans aucun
texte constitutionnel et elle ne reçoit pas de salaire. Bref, c'est comme en
France : un usage, non pas un statut.

Michelle
Obama dispose néanmoins d'un chef de cabinet, d'un attaché de presse, d'un
conseiller social pour les bonnes œuvres. Guère plus qu'en France, mais si elle
a sans doute plus de personnel à son service, et surtout beaucoup plus de
gardes du corps.

Elle fait
aussi des meetings et des discours, ce qui la différencie pour le coup de la
France, comme celui-ci pendant la campagne présidentielle :

Michelle
Obama lors de la convention démocrate en 2012. 

[](http://www.franceinfo.fr/ ""Lecture" ")

En meeting, Michelle Obama racontait que Barack, lorsqu'il la
draguait, venait la chercher dans une voiture tellement pourrie qu'il
y avait un trou au plancher et qu'elle voyait les pavés en dessous. En fait, comme en
France, la First Lady imprime son propre style.

Il y a eu l'engagement
politique pour la santé d'Hillary Clinton et la philanthropie en
matière d'illettrisme de Laura Bush. Et
avant elles, le glamour de Jacky Kennedy. Ecoutez bien, c'est
un document d'archive, l'ouverture du dîner officiel à Paris, au Palais de Chaillot, le 2 juin 1961 : le président John Kennedy
prend la parole.

Je ne pense pas
qu'il soit complètement inutile de me présenter devant vous :
je suis l'homme qui a accompagné Jacqueline Kennedy à Paris, rôle
que j'ai adoré".

**Tout cela n'est pas si

différent, finalement, de la France ?**

Moins
différent qu'on ne le croit. Valérie Trierweiler aurait pu, et elle le peut
peut-être encore, incarner elle aussi une véritable première dame.

On a appris
hier soir qu'elle était sortie de l'hôpital de
la Pitié-Salpêtrière et qu'elle se reposait actuellement à la Lanterne
,
la résidence de la présidence de la République à Versailles. Ça veut au moins
dire qu'elle n'a pas l'intention d'abandonner la fonction, à ce stade.

Elle peut
prendre appui sur des modèles français aussi : Claude Pompidou s'est
intéressée aux beaux-arts ; Anne-Aymone Giscard-d'Estaing aux enfants en
difficultés ; Danielle Mitterrand, astre très autonome, s'est tournée vers
l'international ; Bernadette Chirac s'est fait un nom avec l'opération
"pièces jaunes"...

Est-ce le
tweet de Valérie Trierweiler qui a fait la différence ? J'ai regardé , suivi quand
même par 5 millions de personnes ! Eh bien, elle twitte aussi, et même
plusieurs fois par jour, et cela ne pose pas de problème : tout est
"sous contrôle".

J'ai regardé
enfin, pour finir, le premier, le tout premier article que Valérie Trierweiler
a signé dans Paris Match après son entrée à l'Elysée. C'était un compte
rendu d'une biographie d'Elenaor Roosevelt. Eleanor fut la première dame
"sociale", elle est adorée par les Américains, encore aujourd'hui.
Elle a été trompée par son mari (tout le monde le sait), comme Jackie
Kennedy d'ailleurs : mais ça n'a pas empêché ces deux femmes d'être deux
des plus grandes First Lady du XXe siècle.

Je ne veux
pas être "une potiche " a dit Valérie Trierweiler : elle
avait raison. Reste qu'il lui fallait trouver sa place. Ce n'est pas
encore le cas. Michelle Obama, elle, a trouvé la sienne. Joyeux anniversaire.

 


Bibliographie :* **

– Kate
Betts, Everyday Icon, Michelle Obama and the Power of Style
Potter, NY, 2011

– John
Heilemann, Mark Halperin, Game Change, Obama and the Clintons, McCain and
Palin, and the Race of a Lifetime
, 2010

  • Jodi
    Kantor, The Obamas, A mission, a mariage , 2012

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