Les idées qui ont marqué 2013
Une
idée, cela peut être un mot, un livre, mais aussi une personne ou un phénomène. On
peut commencer, par exemple, par le "Hollandisme" – car c'est à la
fois un mot et une personne – puisque c'est la véritable première année de ce
nouveau président.
Qu'est-ce que le Hollandisme, se sont interrogés les intellectuels – et
d'ailleurs aussi les Français ? La
réponse est loin d'être évidente, ni même claire dans l'opinion. Si on en croit
les sondages, les Français semblent déçus mais ils ne détestent pas la personne
de François Hollande. Ils n'aiment pas sa méthode, c'est clair – le Hollandisme
justement – mais ils ne savent pas forcément dire ce qui ne leur va pas.
Avec "l'affaire Leonarda" , disons
que nous avons là, clairement, l'un des échecs majeurs du Hollandisme cette année :
un président qui propose à une jeune fille Rom mineure de revenir en France
sans ses parents ; et se fait critiquer aussitôt après par cette même
enfant.
Là encore, dans le cadre de "l'affaire de la liberté de conscience des maires ", on a un président qui a fait un choix sur le
mariage pour tous – qu'on peut partager ou pas – et qui vient lui-même le nier
en fournissant à ses adversaires leur meilleur argument.
Le mariage pour tous
fût-il l'une des idées de l'année ?
Absolument. Et ce qui est intéressant, c'est le "momentum" du
mariage pour tous , comme s'il était arrivé à maturité, non seulement en France,
mais dans beaucoup de pays occidentaux en même temps.
La
loi a été adoptée en France à une large majorité, rappelons-le : 331 voix "pour"
contre 225 (ce qui fait quand même 106 voix d'avance). Et
le mariage est désormais institué un peu partout en Europe, dans l'Afrique du
Sud de Nelson Mandela, en Argentine, au Brésil, au Mexique, et même en Uruguay.
Il y a donc bien un mouvement global pour le mariage gay. Aux
États-Unis, le président Obama est un fervent supporteur du mariage et 16 États
disposent maintenant du mariage pour tous après deux décisions retentissantes
de la Cour Suprême. Chaque mois, ou presque, un nouvel Etat bascule.
Et
pourtant, les choses ne sont pas si simples. En Australie, où le mariage a été
autorisé cette année, il vient d'être à nouveau interdit la semaine dernière.
En Inde, où l'homosexualité avait été dépénalisée en 2009, elle vient d'être
re-pénalisée. Cette
idée continuera donc probablement en 2014 à diviser les opinions politiques à
travers le monde sans parler des huit pays où la peine de mort est toujours en
vigueur pour les personnes homosexuelles.
Les idées en matière de
technologie et d'internet ont également été décisives cette année, et pas
seulement dans l'affaire Snowden
Oui, l'affaire Snowden a révélé la fragilité d'internet surtout face à
l'expression décisive de l'année "Big Data", les données
personnelles. Plus que jamais Big Brother nous menace.
Le
mot smart-phone est devenu omniprésent tout comme le smart-grid pour
l'électricité intelligente, les smart-cities pour les villes technologiques, ou
encore le "cloud", c'est à dire le fait de faire héberger ses
données à distance sur des serveurs délocalisés.
On
a vu apparaître aussi de nouveaux réseaux sociaux, comme Snapchat, dont les
messages s'auto-détruisent quelques secondes après avoir été consultés. Vive la
vie privée ! Parallèlement à quoi, l'effet "disruptif " (comme on dit) d'internet
s'amplifie ; c'est à dire son effet de destruction). Les
livres sont affectés par les eBooks et par Amazon.
De son côté, le
cinéma s'inquiète de l'arrivée de Netflix, dont le New Yorker va faire l'histoire en janvier, et avec elle celle de la
transformation fondamentale de la télévision sous la pression de la Social TV –
lorsque la télévision et les réseaux sociaux se mêlent.
L'université est menacée par les MOOCs – autre mot de l'année : ces
cours de masse en ligne ? Alors, si la France décroit au classement PISA, si ses
universités sont en baisse au classement de Shanghaï, est-ce la faute
d'internet ? Est-ce la faute de la mondialisation ?
Alors au
lieu de casser le thermomètre, peut-être faut-il s'interroger sur la France et
sa place dans le monde du XXIème siècle ?
Ce qui explique le retour de
cette question de l'identité française, comme si le débat n'était jamais fini ?
Oui, et c'est peut-être ce qu'il y a d'un peu triste, à savoir cette espèce de
ratiocination**** française, qui fait que l'on en revient toujours aux mêmes débats au lieu de les trancher et de pouvoir avancer.
L'identité
française est de ceux là. L'immigration aussi, et aucune proposition nouvelle
n'a véritablement été mise sur la table. Mais on n'a cessé de se battre sur ce
thème – à coups de livres que ce soit Nos
Mal Aimés de Claude Askolovitch ou, à l'opposé, L'identité malheureuse d'Alain Finkielkraut.
Même
chose avec la laïcité, qui fait consensus en France, bien que des idées
différentes puissent être mises derrière ce beau concept : peut-on tolérer le
foulard dans une crèche ou une université ? une entreprise privée ? La loi de 1905 est assez claire à ce sujet mais chacun se bat pour valoriser la
tolérance ou l'interdiction, si bien incarnés par ces articles 1 et 2 de cette
loi célèbre.
Ce qui renvoie d'ailleurs au
thème récurrent du déclin français...
Absolument. Et près de 3/ 4 des Français interrogés par l'institut CSA
pensent que la France est en déclin . Et 58 % estiment que la
mondialisation économique est un danger contre 27 % qui y voient une chance.
Comment sortir de ce que j'appellerais la "mélancolie française"
actuelle ? Plusieurs idées fortes pourront nous y aider :
D'abord les élections, avec les municipales en mars et les européennes en
mai ; exutoire peut-être, mais moyen d'action le plus efficace pour faire
entendre sa voix.
Ensuite
le "remaniement", ce mot magique que les Français semblent appeler massivement
de leurs voeux, mais que le président de la République semble le seul à ne pas
entendre.
Enfin, nous pourrons sortir du déclin en refusant l'idée même du déclin. Car il y a plus grave
que le déclin : il y a la peur du déclin.
Alors pour ne pas décliner avec les déclinologues, il faut sans doute arrêter
de baisser les bras ; oublier l'amertume ; tourner la page d'une France
scrogneugneuse, riquiqui, rétrécie, renfrognée,
rapetissée, racornie. Alors qu'elle a plein d'atouts.
Il
faut avancer. Il faut retrousser nos manches. Car l'identité, le numérique, l'Europe,
la mondialisation, le
politique - même - ne sont pas bons ou mauvais en soi : ils dépendent de
ce que vous, moi, et en fin de compte nous tous, tous ensemble, seront capables
d'en faire... en 2014.
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