**La théoriedu genre, c'est quoi ? **La théoriedu genre n'existe pas en tant que telle. En réalité, ce serait uneinvention. On parle plutôt d'études de genre, les gender studies ,une somme de travaux divers et contradictoires, qui sont loin d'êtrehomogènes et qui suscitent d'ailleurs beaucoup de débats entre eux. Mais il y abien des professeurs de gender theory , en particulier aux Etats-Unis,comme Judith Butler ou Joan Scott, peut-être les plus connuesaujourd'hui. Mais, on l'oublie souvent, les auteurs les plus citéssur cette question sont également français : Michel Foucault, avec sonHistoire de la sexualité , Julia Kristeva, Monique Wittig, qui se veut "lesbienne radicale" et, bien sûr,la plus connue, Simone de Beauvoir, avec sa fameuse phrase duDeuxième sexe , "on ne nait pas femme, on le devient".Alors il y aévidemment une dimension biologique, qui définit le sexe –personne ne le conteste –, mais il y a aussi, en plus, une dimension sociale.Et c'est là où les études de genre viennent compléter le débat.Le genre serait également une construction sociale. En gros,pour simplifier, rien ne doit prédestiner une petite fille habilléede rose à devenir femme de ménage ou à rester femme au foyer, ou unpetit garçon habillé de bleu à devenir pompier ou chirurgien.Quel estalors l'intérêt de parler de "genre" au lieu desexe, quels sont les objectifs recherchés par les militants, et leurslimites ?La théorie du genre estriche, utile, et en fait souvent positive. Si l'on sort des polémiqueset des caricatures, elle permet de transmettre une culture del'égalité : le sexe ne doit pas décider de notre conditionsociale. Cela permet de lutter contre les stéréotypes et lesinégalités sociales entre les hommes et les femmes, et d'expérimenterdes méthodes nouvelles pour lutter contre ces discriminations.Mais il y a aussi deslimites. La question du genre devient parfois une idéologie, avecses radicaux, qui prônent une indifférenciation des sexes. C'estaussi une sorte de "catéchisme" porté par une partie del'ultra-gauche. Le mouvement s'est d'ailleurs un peu essoufflé surles campus américains, à force d'être trop sectaire etdogmatique.Beaucoup de critiques viennent aussi des homosexuels eux-mêmes : la plupart desgays sont des hommes et le revendiquent, la plupart des lesbiennessont des femmes et le revendiquent aussi. L'altérité sexuellehomme-femme demeure, et ce n'est pas forcément un problème.Cedébat montre aussi que la gauche n'est pas très à l'aise avec les problèmesde société, elle est, elle-même, très divisée sur le sujet, et le paysest finalement assez polarisé sur cette question.Oui, c'est un contexted'ensemble. On voit bien que François Hollande et le gouvernementont des difficultés sur les questions de société depuis le Mariagepour tous, la PMA et la GPA, mais aussi sur les questions relatives àl'avortement ou encore la fin de vie, à nouveau dans l'actualitéavec l'affaire Vincent Lambert, ou l'égalité homme-femme. Ce sontdes sujets très clivants, qu'il faut peut-être manier avec plus deprudence. C'est d'ailleurs ce que souhaite sans doute FrançoisHollande. Et Manuel Valls déclare ce matin, dans les colonnes duJournal du Dimanche : "Nous devons veiller sur d'autres débats, à lesconduire dans le respect des consciences, avec la volontéd'apaisement, c'est le souhait profond du président de laRépublique ".Derrièrel'introduction à l'école de la théorie du genre, il y a laporte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, également ministre des Droits des femmes, que l'onretrouve depuis presque deux ans, derrière tous ces sujets clivantssur les problèmes de société ?Tous ces sujets sontportés par la ministre, en effet, Najat Vallaud-Belkacem, et qui est au fond une énigme. Elle incarne le renouveau politique ; elle est un nouveau visage, elle a une bonne popularité. Elle est née au Maroc, possède la double nationalité.Elle représente donc une nouvelle France, jeune, moderne, issue del'immigration. Mais en même temps, elle est très radicale sur tousces sujets et parfois très clivante.Le risque, pour elle, est que cetteministre-symbole, l'atout même du début du quinquennat de FrançoisHollande, devienne un poids, parce qu'elle est un peu trop clivante. Et au fond elle a le choixentre évoluer comme Simone Veil, ministre de la Santé, qui a représentéun féminisme pragmatique, concret, qui part des réalités, de la santé, et est capable du coup d'unir une majorité du pays ; ou alors comme YvetteRoudy, cette ministre des Droits des femmes en 1981, que l'on a oubliée, quiincarnait une sorte de féminisme plus radical, une idéologie coupée des réalités, plus sectaire, comme celui défendu aujourd'hui par les théoriciens du genre. * Pour aller plus loin : "Souligner ce qui est construit sur la différence biologique", entretien avec Frédérique Matonti, Libération , 30/01/2014"Théorie du genre à l'école: la polémique prend de l'ampleur", Le Figaro, 30/01/2014"Genre et identité : Judith Butler en France", Sciences Humaines ,15/06/2011"Joan Scott : "Politique et histoire sont toujours liées", Le Monde , 25/06/2009Joan Scott : "Beauvoir, l'identité sans 'l'identique'", Libération , 20/01/1999Et pour finir l'analyse de la membre de la Cour Suprême américaine, une libérale de gauche, qui prône plus de prudence sur les questions de société : "Ruth Bader Ginsburg: Roe v. Wade Ruling Flawed", huffingtonpost.com, 11/05/2013